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Climat Libé Tour Bordeaux

Le photojournalisme: «Un supplément d’âme et d’information»

Entre bombes lacrymogènes et projectiles, quels sont les défis auxquels sont confrontés les photojournalistes lors de la couverture des mouvements sociaux ? Témoignage de Cyril Zannettacci.
Cyril Zannettaci le 24 février 2024 à Bordeaux lors du Climat Libé Tour. Crédit: Patti Delaspre / Ijba
par Corentin Teissier et Patti Delaspre, étudiants journalistes à l'Ijba
publié le 10 février 2024 à 15h32
Depuis ses débuts, le Climat Libé Tour, événement tourné vers la jeunesse, associe à chacune de ses étapes une école de journalistes locale (CFJ à Paris, ESJ à Lille ou Dunkerque, Ejcam à Marseille, Ijba à Bordeaux) afin que les étudiants couvrent, avec leurs regards, l’actualité des forums. Reportages, comptes rendus, portraits, photos, interviews… Ces articles sont issus de leur travail.

Depuis toujours, Libération accorde une importance majeure à l’image, sujet de la table ronde «Dans les coulisses de Libé : à la rencontre du service photo», samedi 10 février 2024 à Bordeaux. Une approche particulière. Nathalie Marchetti, cheffe adjointe du service photo de Libération, parle ainsi de photographies d’auteurs «avec un supplément d’âme et d’information» et non de simples images d’illustrations. «C’est aussi l’art du photographe, savoir se placer au cœur de l’action, s’adapter, capter et faire passer un message.» L’enjeu de la couverture d’événements sociaux passe également par des éléments significatifs forts. «La recherche de symboles est très importante, il faut capter l’intérêt du public», complète Véronique Figini-Veron, historienne de la photographie, maîtresse de conférences à l’Université Paris 8.

Des symboles que l’on retrouve dans le travail de Cyril Zannettacci, photographe pour Libération depuis 2011. De la couverture de manifestations des gilets jaunes à celles contre la réforme des retraites, il a toujours eu la volonté de «documenter les mouvements sociaux». Le quinquagénaire constate un basculement depuis les événements de protestation contre la loi travail El Khomri de 2016, avec des violences plus accrues au niveau du maintien de l’ordre.

Depuis ces événements, «la notion de maintien de l’ordre a changé. Avant, on parlait de gestion de foule et maintenant la police est bien plus agressive», explique Cyril Zannettacci. Dans la couverture de ces épisodes de violence, le photographe a été blessé à plusieurs reprises. Les affrontements à Notre-Dame-des-Landes lui ont valu un pied fracturé et deux mois d’arrêt. «J’ai mis une année avant de retrouver une certaine aisance sur le terrain.» Dorénavant, le photographe chevronné se protège davantage en s’équipant de protège-tibias, de lunettes avec un casque de moto et d’un masque résistant aux gaz chimiques.

Équipé, Cyril Zannettacci travaille au plus près de l’action. «Souvent je peux me mettre en danger quand je m’approche trop. Mais parfois, je suis tellement près que je passe au travers de tout et je fais partie intégrante du décor». Pour se fondre dans la foule, le photographe n’utilise pas le gilet pare-balles doté de l’inscription «Press», attirail type des photojournalistes. «J’ai tout de même une carte de presse, et puis quand on a un appareil photo autour du cou on imagine bien qu’on n’est pas là pour faire autre chose».

Dans la couverture de ces événements, Cyril Zannettacci estime avoir réalisé l’un de ses meilleurs clichés à Notre-Dame-des-Landes. «On dirait une image de film !» se remémore-t-il. «Elle symbolise la résistance, marque l’opposition et la fierté. Je l’aime beaucoup».