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Libération
Voyage en terres d'ethnologie: interview

«Le corps devient matière, peinture»

Voyage en terres d'ethnologie avec le Quai Branlydossier
Anna Gianotti Laban, aux manettes de la programmation de la sixième édition de «L’ethnologie va vous surprendre» détaille les points forts du week-end.
"Outrar" de Volmir Cordeiro.
publié le 27 janvier 2024 à 21h44
(mis à jour le 15 février 2024 à 15h13)
Les samedi 2 et dimanche 3 mars, le musée du quai Branly-Jacques Chirac organise une nouvelle édition de «L’ethnologie va vous surprendre !» sur le thème du corps. Partenaire de l’événement, Libération publiera le lundi 26 février un supplément dans le quotidien et un dossier spécial à retrouver sur notre site.

Anna Gianotti Laban, aux manettes de la programmation de la sixième édition de «L’ethnologie va vous surprendre» détaille les points forts du week-end.

Vous consacrez ce rendez-vous 2024 à la question du dépassement du corps, souvent associé à l’univers du sport et de la performance. Pourquoi convoquer des artistes et des scientifiques sur ce sujet ?

Les limites du corps sont autant physiques que psychologiques ou culturelles. C’est un enjeu universel, aux multiples facettes. Comment le corps est-il mis en jeu dans les rituels, quel est son rôle dans la transmission et le rapport aux ancêtres, comment permet-il de penser la frontière entre l’humain et le non-humain ? Je crois que dans une société où la digitalisation, la dématérialisation s’accroît, étudier, penser et convoquer le corps relève d’une urgente nécessité.

Ce week-end de rencontres, de projections, de performances et de spectacles s’inscrit dans l’événement bisannuel baptisé «L’ethnologie va vous surprendre». D’où viendra la surprise, pour cette édition ?

Le croisement des cultures et des disciplines crée l’inattendu ! L’une des nouveautés de cette année est la programmation de grandes conférences en «duo», destinées à un large public. Elles feront dialoguer, entre autres, la jeune anthropologue Laura Fléty et le chorégraphe brésilien Volmir Cordeiro, qui explore les effets de saturation et de débordement des corps, mais aussi l’ancien footballeur Lilian Thuram, à l’initiative d’une fondation contre le racisme, et l’archéologue et médecin légiste Philippe Charlier.

Par ailleurs, lors de mini-conférences visuelles, des archéologues, photographes et ethnologues présenteront leurs travaux sur des sujets singuliers : les «touristes chamaniques» partis à la rencontre de l’ayahuasca, les peaux blanches «de convention» dans le cinéma populaire hindi, les dédales du corps amputé «prothésé», ou encore les pratiques du roller derby, de l’autodéfense féministe et du drag, se saisissant du corps comme outil militant.

Autre surprise, autre dépassement du corps : la projection d’un film de Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor, De humani corporis fabrica (Les films du losange, 2022), invitera à une incroyable aventure intérieure… Au sens propre ! Car à travers les images captées par une sonde lors d’une intervention médicale, les cinéastes transforment l’anatomie humaine en un véritable paysage : le corps devient matière, peinture. C’est à mes yeux un dépassement du corps extrême, exceptionnel.

La danse a une place prédominante dans la programmation, sous des formes peu classiques…

Au-delà de la chorégraphie Outrar, de Volmir Cordeiro, qui signifie «devenir l’autre, être infecté par l’autre», une soirée sera dédiée au Krump, danse spirituelle, politique et de révolte, véritable expression exutoire née à Los Angeles dans les années 2000. Une battle et une initiation seront proposées par la compagnie ArtTrack. Le samedi, le spectacle Cabaret de The Kings Factory promet un moment festif, porteur d’un discours queer sur les transformations du corps. Ce sera l’occasion de mettre en lumière la très méconnue scène drag kings (et non drag-queen !), qui surjoue les codes de la masculinité et explose les conventions de genre.