Chaque matin, c’est la même routine pour Julie. La quadragénaire, aide à domicile depuis 2011, parcourt rapidement son planning en ligne, le temps de vérifier d’éventuels changements, comme il en arrive souvent. La voiture d’une collègue en panne ou un arrêt maladie suffisent à chambouler sa journée. Vers 8 heures, c’est l’heure de prendre la route. Ce vendredi matin, elle a quatre personnes à voir, principalement des personnes âgées. Deux autres suivront dans l’après-midi.
Beaucoup de frais à avancer ou à prendre en charge
Toilette, petit-déjeuner, aide ménagère… Le timing est serré, mais après treize ans de métier, rattachée au centre intercommunal d’action sociale (Cias) de Morcenx, dans les Landes, Julie est rodée. «On peut faire jusqu’à 60 km dans une journée de travail, il faut être organisé. C’est d’autant plus important que je travaille avec ma voiture personnelle», rapporte-t-elle en listant tous les inconvénients de cette situation. «L’hiver, les problèmes de démarrage sont récurrents sur ma petite voiture. Elle n’est plus toute jeune, mais je n’ai pas les moyens d’en racheter une autre.» Elle se souvient aussi de cette fois où elle a crevé en plein milieu d’une journée de travail. «J’ai dû emprunter le vélo de mon fils pour ne pas louper ma tournée. En débauchant, j’avais mal partout et en plus, il a fallu que je change moi-même la roue pour limiter les frais.»
Pour revaloriser ces métiers du lien qui, bien souvent, peinent à recruter, le département des Landes a lancé courant 2022 une étude sur les besoins en mobilité des aides à domicile. Après avoir enquêté auprès de 800 personnes, un nouveau dispositif a été imaginé, partant d’un constat : l’obligation de posséder un véhicule personnel est très souvent un frein lors des embauches. Plus ancré dans la réalité du terrain, le futur système prévoit ainsi le déploiement, en 2025, d’une flotte de véhicules de service, véhicules sans permis et vélos électriques. Pour les aides à domicile landaises, c’est une avancée majeure dans l’amélioration de leurs conditions de travail. La plupart doivent en effet avancer systématiquement, voire prendre à leur charge, les frais de carburant, les vidanges, les réparations, l’assurance ou les pannes. «Pour aller plus loin, nous avons aussi réfléchi à la manière de mieux intégrer les gens qui rencontrent des difficultés pour revenir à l’emploi. Nous nous attendons ainsi à une forte demande pour les voitures sans permis car passer son permis de conduire a un coût important», pointe Paul Carrère, vice-président délégué à l’autonomie. Au total, le projet représente entre 4 et 5 millions d’investissement pour la collectivité.
«On reste leurs principaux confidents»
Dans le département du Sud-Ouest, qui compte plus de 430 000 habitants, le défi est d’autant plus grand que le territoire accueille chaque année de nouveaux venus, en particulier sur le littoral et en majorité de jeunes retraités ou des actifs en fin de carrière. «A l’horizon 2050, on estime ainsi que le nombre de Landais de plus de 75 ans va pratiquement doubler. Ce chiffre est un signal d’alarme que nous prenons au sérieux. Il rend compte du futur manque de professionnels et des difficultés financières que nous pourrions connaître si le nombre de nos structures pour personnes âgées et nos services n’évoluent pas», analyse Paul Carrère. Dans le cadre de son plan «Bien vieillir», décliné sur le territoire depuis 2019, la collectivité propose également des aides destinées aux professionnels pour passer leur permis ainsi que des services pour maintenir les personnes âgées ou handicapées à domicile tant qu’elles le peuvent. Cela passe notamment par l’éclairage de la chambre durant la nuit, des initiations aux tablettes numériques, le portage de médicaments, etc.
Reportage
«Avec une voiture dont je n’aurais pas à gérer l’usure, je pourrais faire beaucoup plus de trajets avec les bénéficiaires que j’accompagne. On pourrait par exemple les emmener voir des copains», se réjouit Julie, persuadée qu’un coup de pouce à la mobilité peut contribuer à briser l’isolement et renforcer le lien avec les personnes âgées. «Souvent, on remarque qu’ils guettent notre arrivée depuis la fenêtre, car ils ne voient pas grand monde. La difficulté, c’est que les bénéficiaires âgés vivent de plus en plus longtemps et sont de plus en plus nombreux à être éloignés de leur famille. Leurs enfants, petits-enfants sont partis s’installer loin, parfois à plusieurs centaines de kilomètres. Résultat, on reste leurs principaux confidents», illustre Aurore, une aide à domicile rattachée au Cias Landes d’Armagnac. Pour les plus dépendants, il lui arrive de se rendre jusqu’à trois fois par jour chez la même personne. «Sans cette aide au maintien à domicile, il est certain que beaucoup de nos aînés ne pourraient plus rester chez eux et finiraient seuls dans des établissements surchargés.»