En offrant un appui personnalisé qui pérennise les parcours résidentiels, l’accompagnement social représente, pour les professionnels du secteur, un atout clé pour mieux (re)loger les plus précaires. Importance du lien familial, soutien administratif, nécessité du temps long… Delphine Depaix, directrice de la cohésion sociale et des solidarités à Emmaüs Habitat, témoigne des intérêts et défis d’une telle démarche.
En quoi consiste l’accompagnement social appliqué au logement ?
C’est d’abord un constat : donner un toit à une personne fragilisée ne fait pas tout. Il faut qu’elle s’y sente bien, trouve du sens à s’y installer, des perspectives pour y rester. D’autant que l’entrée dans un logement peut être un moment critique. Celui d’un relâchement après des années où l’on a tenu bon, serré les dents. Il est fréquent que se déclarent, dans la foulée, des pathologies ou des décompensations. C’est le but de l’accompagnement social : bâtir ensemble cet étayage qui fera que, au-delà du seul logement, c’est bien sa vie, sa trajectoire personnelle, qui prendra une nouvelle tournure.
Quel est, précisément, cet «étayage» ?
Il y a d’abord l’accès aux droits : se soigner, percevoir une prestation sociale, accéder à un emploi, voter, etc. Mais aussi, et c’est fondamental, pouvoir renouer ou entretenir les liens familiaux. Ceux-ci sont intimement liés au logement, et dépendent du parcours résidentiel. Il y a également un volet très pratique, qui concerne l’occupation du logement à proprement parler : comment bien l’habiter, l’entretenir, maîtriser sa consommation d’énergie, etc. Ou l’accompagnement au numérique, vital pour la plupart des démarches administratives et facteur d’inclusion, au marché du travail notamment.
Sur quoi, selon vous, repose la réussite de cet accompagnement ?
Sur le temps ! C’est une notion essentielle, très personnelle, fluctuante selon les parcours de vie. Il faut s’y adapter pour ne pas brusquer les personnes accompagnées. Tisser une relation, casser la carapace, demande parfois plusieurs mois. La société a appris aux plus vulnérables à ne rien demander, et surtout pas de l’aide. Ils doivent prendre conscience qu’ils sont désormais autorisés à le faire.
Les publics ont-ils évolué, de nouvelles problématiques émergé ?
On peut citer deux grandes tendances, parmi d’autres : davantage de femmes et de mères isolées ; et de plus en plus de seniors précaires. L’accompagnement du vieillissement est d’ailleurs un enjeu majeur pour les années à venir. Aujourd’hui, plus qu’avant, on vieillit dans le parc social. Cela nécessite des logements adaptés, la présence d’animateurs spécialisés, de relais pour les aidants, etc.
Quid, enfin, de l’ancrage territorial et sociétal des dispositifs d’accueil ?
Il est primordial de créer des liens avec l’extérieur, s’inscrire dans la vie de la cité pour ne pas se retrouver en vase clos. Le secteur s’y emploie. Les options sont multiples : c’est, par exemple, installer une épicerie solidaire au sein d’une pension de famille, ou choisir d’implanter une résidence pour personnes atteintes de troubles psychiatriques en centre-ville plutôt qu’en périphérie. Le logement accompagné, s’il est intégré, fabrique de la cohésion sociale.