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Documentaire

«Le Mur de l’ombre», pour mettre en lumière les sherpas

Le Grand Bivouac, festival du film-documentaire et du livre d'Albertvilledossier
Le documentaire d’Eliza Kubarska suit une famille népalaise engagée pour assister des alpinistes russes et polonais à gravir la montagne de Kumbharkarna. Un film primé par le jury média du Grand Bivouac d’Albertville.
Tendi et son fils Dawa Tenzin dans le documentaire «Le Mur de l’ombre» d’Eliza Kubarska. (DR)
publié le 28 août 2023 à 23h59
(mis à jour le 18 octobre 2023 à 17h29)

«Il était une fois trois frères. Leur entente était parfaite et ils étaient estimés de tous. Partout où ils allaient, ils trouvaient bon accueil. L’un d’eux pourtant avait toujours une longueur d’avance sur ses frères. Il était le préféré. Et les deux autres étaient si jaloux qu’ils décidèrent un jour de le tuer. Avant qu’ils mènent à bien leur criminel projet, un lama eut vent de leur dessein. C’était un lama très sage et il avait de grands pouvoirs. Afin d’éviter la tragédie des trois frères, il les transforma en montagnes». La légende de Kumbharkarna était née…

Pour les alpinistes occidentaux, c’est l’une des montagnes les plus difficiles au monde. Pour les sherpas népalais, c’est la montagne de Dieu. «Et on ne doit pas marcher sur la maison de Dieu.» Les croyances ont la vie dure dans ces contrées népalaises. Alors, travailler ou respecter ses croyances religieuses ? Survivre ou briser un tabou ?

Le Mur de l’ombre suit la vie d’une famille de sherpas. La mère souhaiterait que leur fils, Dawa Tenzin, fasse des études de médecine. Mais l’école coûte cher. Le père, lui, pense à l’immédiat : gagner sa vie grâce aux expéditions (il a été à plusieurs reprises sur l’Everest). C’est l’objet principal de ce superbe documentaire présenté cette année au Grand Bivouac d’Albertville (dont Libération est partenaire). La réalisa­trice polonaise Eliza Kubarska, a su rendre compte de la pression mise sur les sherpas par leurs clients, en l’occurrence ici, des Russes et un Polonais, pour se rendre au sommet. Quoi qu’il en coûte. Pourtant, Tendi explique et se justifie : ses porteurs ne sont pas bien équipés, leurs chaussures sont de piètre qualité et grimper dans de telles conditions jusqu’au sommet les mettrait en danger. «Je mets la réputation de mon agence en jeu si je n’assure pas leurs conditions de sécurité», explique-t-il. Mais au final, ce sont ceux qui ont l’argent qui décident. Une forme de néo-colonialisme assez désagréable pointe le bout de son nez. Ces alpinistes à qui tout paraît dû sont prêts à «se mettre en colère si on leur dit que ce matin qu’on ne peut pas partir à cause de la neige», dit Tendi. Ils ne se rendent pas bien compte non plus des conditions de vie des populations locales, et paraissent d’ailleurs peu s’en soucier…

Porté par des images magnifiques, un beau film qui plonge dans l’intimité d’une famille touchante faisant corps avec la montagne et ses esprits.

Le Mur de l’ombre (Grand prix du Festival du film d’aventures de La Rochelle 2021), d’Eliza Kubarska. A découvrir au Grand Bivouac vendredi 20 octobre à 20h30.