Comment faire rimer éducation et innovation ? A l’occasion des 20 ans du Café pédagogique, Libération organise avec des enseignants et nos invités une journée de débats et d’échanges, le 25 novembre à Paris. En attendant ce forum, rencontres avec quelques professeurs.
«L’idée de ce site, Monannéeaucollège.com, est de pratiquer la classe inversée, avec un enseignement déjà en ligne, explique Fabien Crégut. Ensemble, on ne fait que les expériences, les exercices. C’est une construction de connaissances. Mes élèves sont coproducteurs. Ils mettent en ligne leurs vidéos et les exercices. L’expérience est bénéfique car ils font des recherches, réalisent une production de qualité qui va être mise en ligne. Ce qu’ils font enrichit le site. Ils peuvent être capables de produire et de bien produire.
«On gagne du temps»
«Le système éducatif français est fondé sur le jugement et la sélection des jeunes formatés. Avec ce principe de la classe inversée, ils arrivent tous avec leurs connaissances et leurs notions. Le principe permet de répondre à des questions qu’ils auraient eues à la fin du cours et auxquelles on ne donnait jamais de réponse. Là, comme ils ont le contenu du cours avant, ils peuvent arriver avec les questions préparées. Or, c’est grâce aux questions qu’on apprend. La classe inversée est très utilisée au Canada et en enseignement post-bac. Je ne suis pas un précurseur de cette initiative. J’ai reçu un prix de prof innovant, il y a quinze ans, puis un prix européen et un mondial. Il y a vingt ans en France, l’innovation c’était le Minitel. Mettre tous ses cours en ligne était très novateur.
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«J’ai plusieurs retours comme : «Monsieur, c’est chouette on parle le même vocabulaire.» Quand je commence une problématique, ils ont travaillé le cours avant. On gagne du temps, on n’est pas dans l’abstraction, plutôt dans la compréhension. En outre, les élèves peuvent s’évaluer par eux-mêmes. Ceux qui veulent aller plus loin peuvent avancer dans la compréhension. J’ai des classes à haut potentiel intellectuel. Par exemple, un élève a fabriqué son herbier, avec des noms français et latins. Je peux aussi leur proposer des manières d’aller plus loin dans ce qu’ils recherchent. S’ils ont déjà les documents et les notions, ils savent en amont ce qu’on attend d’eux. On ne stresse pas les jeunes. Ils peuvent prendre du plaisir et acquérir une culture générale a minima, suivant l’orientation qu’ils vont prendre.
«Apprendre à s’écouter»
«On partage ce que l’on fait. Il y a une quinzaine d’années, j’étais en contact avec des professeurs en Afrique qui n’avaient pas de manuels. Ils m’ont dit : «Grâce à votre site, on peut montrer des images à des jeunes assis en pleine brousse sur de la terre battue.» Le savoir ne vaut que s’il est partagé. Il y a beaucoup de photographies sur le site. Lorsque les documents ne m’appartiennent pas, je cite l’auteur, les sources. C’est important de connaître les origines des documents. Je leur apprends à respecter les autres élèves et à s’écouter. On a des jeunes de confessions religieuses différentes. On marche parfois sur des œufs mais on peut communiquer.»