L’Xtreme, finale du Freeride World Tour (FWT) 2 025 s‘est conclu il y a quinze jours, à Verbier, en Suisse (résultats sur www.freerideworldtour.com). L’occasion de faire le point, après trente années de compétition, sur l’évolution de la pratique, des conditions de neige, de formation des athlètes. Qu’est ce qui a changé ? Le suisse Dominique Perret, fondateur de WeMountain (plateforme dédiée à la sécurité en montagne et à la préservation de cette dernière) élu «meilleur skieur freeride du siècle» par un jury français, évoque d’emblée ces «changements de pratiques et de techniques, mais aussi d’athlètes». «Ce sport, en général, a explosé. On était une centaine de personnes. Au début, il s’agissait d’une discipline confidentielle. Aujourd’hui, le marché duback country («éloigné isolé, sauvage», et donc attractif pour la pratique du ski hors-piste) compte plus sept millions de pratiquants dans le monde, dont trois millions en Europe».
Et d’égrener les remontées mécaniques plus rapides, l’équipement plus facile, plus simple, les skis plus larges. «Avant, pour aller en hors-piste, il fallait être un bon skieur. Aujourd’hui, tu passes partout. Il y a cette facilitation de la pratique, alliée à un développement du matériel de sauvetage DVA (détecteur de victimes d’avalanche, sonde, pelle).»
Toutes ces raisons, ont, d’après lui, fait grimper le nombre de pratiquants. «Les gens ont envie de sortir de la foule, de trouver le calme et la beauté, de retourner à la nature. Un des rares espaces de liberté qui reste, c’est la montagne». Pour les athlètes, le sport a pris deux directions : celui du film d’expédition, et le championnat, au sein duquel les juges mesurent la compétition. «Cette branche-là s’est professionnalisée à l’extrême, selon le skieur. Avant, les athlètes venaient du ski alpin. Depuis plus d’une décennie, ils commencent à être formés à cette discipline à part entière, avec un coach physique, mental. Ils peuvent être dans les deux pratiques. La saison de course, et après le mois de juin, la saison de films. Il n’est pas facile d’enchaîner les deux. Tu skies autrement quand tu skies pour des juges. C’est un peu comme la musique classique et le rock. Il y a les deux branches. Les freeriders sont des hommes complets, des entrepreneurs. Ils doivent gérer leurs sponsors, leur petite entreprise. Mais cela reste de l’artisanat, mis à part certaines stars».
Pour le reste, Dominique Perret voit l’évolution de la discipline à la manière du triptyque : «plus vite, plus haut, plus fort». La technique, la vitesse, les sauts, l’ampleur des figures. Les athlètes qui effectuent un entraînement physique en piscine, la neige qui a complètement changé. «En altitude, il y a beaucoup de précipitation, des longues périodes de froid, on est passé à des rythmes plus doux. L’amplitude des températures est énorme. On a une instabilité, associée à la fonte des glaciers. Le Mont fort – une des montagnes de Verbier ndlr- il y a quinze ans c’était un rideau blanc, aujourd’hui on compte les cailloux, les canyons. Cinquante mètres de glace ont fondu clairement cela a changé».
Est-ce plus difficile aujourd’hui ? «Le climat actuel est plus dur à prédire. Avant tu savais que cela allait rester froid. Désormais, dès que c’est bon, il faut y aller. Les dates ont été changées pour la compétition de cette année. Il faut être super opportuniste. Même pour les courses de ski classiques, il y a des annulations. Un coup il n’y a plus de neige, le coup d’après il y en a trop».
Pour ceux qui se lancent aujourd’hui est-ce plus dangereux ? «Le niveau d’exposition au risque est égal, mais différent. Les conditions changent, les athlètes sont mieux préparés. Il y a trente ans, on l’était moins. On disposait de moins de connaissances. Maintenant, l’expérience se transmet. Les erreurs qu’on faisait ne se font plus, tandis que certaines figures qu’ils effectuent remontent le niveau de risque. Cette année, le nombre de chutes a été élevé. Les gars arrivent tellement vite, tellement haut…
Selon Nicolas Halle-Woods, directeur du FWT, l’édition 2 025 s’est bien passée. «Ce n’est jamais facile, explique-t-il. On a eu des annulations. Une due au Covid, et une autre, en 2023 où une grosse avalanche a détruit la face. On n’avait pas d’option pour aller ailleurs, on a dû abandonner. C’est notre quotidien.»
«On a démarré avec 180 000 francs suisses. Aujourd’hui, on est à huit millions, avec seize salariés à plein temps. Ici, à Verbier, on est 150 personnes à travailler. Depuis la première année, on a dû réévaluer chaque ligne de budget et se demander si ce franc suisse est bien investi. On n’a pas de dettes, pas d’investisseurs, cela nous permet de rester alertes».
Il se réjouit désormais de la perspective – la décision devrait être prise en juin prochain — d’inscription de la discipline aux prochains Jeux Olympiques de 2030. «Cela signifie plus de bons skieurs au sommet, davantage de motivation et de ressources sponsors. On va aider l’élite avec des coachs et des structures d’entraînement, et de l’argent pour qu’on fasse des résultats. Trente ans passés, c’est bien. Mais trente ans à regarder le futur, c’est mieux. Il y a encore un très gros potentiel de développement»