Cette année, les journées du vivant et de la Terre organisées à Rouen par le collectif Biogée ont pour thème les microbiotes. Rencontre avec Marc-André Selosse, président du collectif Biogée, organisateur de l’événement.
Comment définir ces petits organismes, et pourquoi leur consacrer des rencontres tout public ?
Un microbiote est un ensemble d’espèces de microbes qui vit à un endroit, par exemple dans une goutte d’eau, une rognure d’ongle, ou un gramme de terre. Il s’agit de bactéries, ces petites cellules d’un millième de millimètre, de champignons faits de filaments microscopiques, de levures et de virus. Dans les sols de France, on dénombre 115 000 espèces de bactéries – alors qu’on ne compte «que» 40 000 espèces d’insectes et 6 000 espèces de plantes. Nous vivons dans un monde de microbes ! Ils sont très présents dans l’environnement, mais aussi sur nous et en nous. Notre tube digestif compte autant de cellules microbiennes que de cellules humaines. Notre respiration cellulaire est d’origine bactérienne. Nous sommes des êtres chimériques.
S’ils sont omniprésents dans notre environnement et dans notre chair, les microbiotes sont encore peu connus du grand public.
Notre santé et notre environnement dépendent pourtant des microbiotes, cela implique donc des gestes à développer, et d’autres à proscrire. Un exemple parmi de nombreux autres : la pratique du labour, qui détruit le sol en fragilisant son microbiote, doit cesser. Réserver cette connaissance aux seuls spécialistes, comme cela a été fait ces dernières décennies, mène à l’échec. Le résultat, nous l’avons tous sous les yeux : notre monde est dévasté, notre société abîmée. Le vivant, microbiotes compris, ne doit pas être la chasse gardée des scientifiques, bien au contraire : il est l’affaire de tous et de tous les jours. Chacun doit pouvoir «soulever le capot» du monde dans lequel on vit, et cesser d’en être le spectateur.
La connaissance du vivant peut-elle changer la donne ?
Les sciences du vivant et de l’environnement sont souvent convoquées pour expliquer ce qui ne va pas – c’est leur côté «Cassandre» – au point qu’on oublie qu’elles permettent aussi d’ouvrir des perspectives nouvelles et réjouissantes. Car les marges d’exploration sont énormes. L’idée n’est pas, loin de là, d’affirmer que les écologues ou les médecins vont sauver le monde, mais plutôt de défendre la nécessité et l’urgence de mieux connaître le vivant pour agir. Cela convoque aussi l’économie, la sociologie, la philosophie… C’est pourquoi la programmation des journées du vivant et de la Terre organisées à Rouen fait dialoguer les disciplines. Aujourd’hui, l’éducation à l’environnement reste quasi absente des programmes scolaires. Nous manquons d’une vision claire de l’impact biologique de nos choix d’habitat, d’alimentation ou de consommation. C’est inquiétant. Avec Biogée, nous souhaitons donner à chacun une boîte à outils pour mieux comprendre le monde qui l’entoure, et ainsi, peut-être, permettre à d’autres choix individuels et collectifs de s’affirmer.
Vous avez créé la fédération Biogée en 2019. Elle réunit des chercheurs en biologie et entend placer cette discipline au cœur des débats de société…
Oui, chaque année, nous prenons un sujet différent et nous proposons un week-end de réflexion, gratuit pour le grand public. Comme cette année à Rouen, autour des microbiotes. Biogée veut montrer aux citoyens comment agir concrètement, parce qu’à l’heure des grands changements climatiques et sanitaires, la biologie nous semble vitale. Elle explique ce qui nous entoure, le monde dans lequel nous vivons et revisite les gestes du quotidien : consommer, produire des déchets, s’alimenter, avoir une sexualité. Elle est porteuse de solutions simples, de cas concrets. Pourtant, bien qu’elle soit fondamentale, elle a quasiment disparu des programmes scolaires.