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Finances solidaires

Le voyage solidaire, un tourisme qui prolifère

Si ce marché reste une niche, les crises sanitaires et climatiques ont fait progresser la demande de projets respectueux de l’environnement et de l’intérêt des populations locales.
publié le 15 novembre 2023 à 23h13

Hébergement chez l’habitant, approvisionnement auprès de producteurs de proximité, immersion dans les communautés, participation à des actions de développement local, financement de projets de solidarité locaux répondant à l’intérêt collectif… La solidarité dans le tourisme recouvre différentes approches. Pour Laurent Besson, directeur de Vision du monde, le voyage solidaire, tel que sa société coopérative et participative en conçoit, doit respecter les critères du commerce équitable : «Les populations locales doivent être impliquées dans les différentes phases du projet touristique. Le voyage équitable repose notamment sur l’équité de la rémunération des prestataires, le paiement de cette rémunération avant l’arrivée des voyageurs et le financement d’un fonds de développement local.»

Parmi les quarante acteurs de l’économie sociale et solidaire réunis au sein de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (Ates), dix-huit sont labellisés «Tourisme équitable» pour leur respect de ces critères et d’une cinquantaine d’autres. Parmi ces acteurs, on trouve Endallah, opérateur de safaris éthiques en Tanzanie ; Culture Contact, spécialiste de l’immersion chez l’habitant en Amérique latine ou Vision du Monde qui propose de partager le quotidien d’une communauté sur plusieurs continents. Près de 200 voyages labellisés, en petit groupe en France et dans le monde, sont présentés sur le site de l’Ates. En 2023, environ 2 500 personnes sont ainsi parties à l’étranger et l’association prévoit une croissance en 2024 portée par un engouement sur le voyage solidaire. Les destinations ? Les zones rurales dans des pays émergents, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine.

«Offre hybride»

«Pour les entreprises avec un but lucratif, les critères du tourisme équitable, tel le prépaiement des prestations, ne fonctionnent pas. Pour elles, le voyage solidaire est davantage une offre hybride qui doit contribuer au développement local et favoriser la rencontre avec les communautés», nuance Julien Buot, directeur de l’association Agir pour un tourisme responsable (ATR) rassemblant plus de 70 acteurs du tourisme engagés dans le développement durable. Selon le degré d’implication des opérateurs et leur profil (croisiériste, producteur de voyage d’aventure, hôtelier…), l’offre hybride est un produit avec un contenu solidaire à géométrie variable. Par exemple, un circuit incluant des nuitées chez l’habitant, un séjour en hôtel club avec une sortie pour rencontrer la population locale, un voyage sur mesure comprenant la visite d’un lieu financé par un fonds de développement…

Parmi ses adhérents, ATR compte toutefois un spécialiste du voyage solidaire : Double sens. «Notre raison d’être est la création de revenus pour des communautés locales, explique son directeur Antoine Richard. Pour ce faire, nos circuits d’environ deux semaines comprennent quatre à cinq jours d’immersion dans un village isolé où nous veillons à impliquer toutes les familles pour nourrir et héberger les visiteurs. En 2022, 35 % du prix de nos voyages a rémunéré le tourisme local et 10 % les communautés d’accueil. Nous avons généré 125 000 euros de revenus complémentaires pour des familles.» Des voyages au prix moyen de 2 300 euros où la clientèle des comités d’entreprise est la plus représentée. «Les CE sont un formidable levier de conversion. Soucieuses de valoriser leur engagement sociétal et environnemental, les entreprises mettent en avant ces voyages auprès de leurs salariés», souligne Antoine Richard qui devrait comptabiliser 1 200 clients en 2023. Et d’insister sur l’enjeu de l’image. «Les producteurs de voyages solidaires ont trop longtemps tenu un discours moralisateur. Il faut valoriser l’expérience, faire rêver.»

Indicateurs et critères

C’est aussi le credo de FairMoove, l’agence de voyages en ligne spécialisée sur une offre de circuits, clubs et séjours durables, fondée il y a deux ans par Jean-Pierre Nadir. Ainsi, pour contribuer «à un tourisme plus responsable, positif et joyeux», la plateforme évalue des hébergements selon huit critères dont l’immersion, l’éthique et l’écologie. Des circuits sont identifiés comme éthiques et solidaires. Enfin, 67 grandes destinations touristiques sont notées avec des indicateurs, fournis par des institutions internationales, tels que les emplois développés par le tourisme ou les conditions des travailleurs. «Je crois au tourisme de redistribution pour participer à créer un monde apaisé», souligne le créateur de FairMoove qui vient de racheter Double sens. Avec plus de moyens, le spécialiste du voyage solidaire va pouvoir répondre à une demande croissante. Le marché a de l’avenir.