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Climat Libé tour Bordeaux: Tribune

L’écologie est morte, vive l’écologie

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Si l’opinion publique reste favorable aux politiques climatiques malgré d’apparents reculs, le sujet n’est pas prioritaire. Pour Léa Falco, autrice, membre de l’association Pour un réveil écologique, les militants doivent intégrer leurs combats à d’autres enjeux sociaux pour atteindre le plus grand nombre.
Lors d'une manifestation pour la défense des droits des femmes le 8 mars à Paris. (Xose Bouzas/Hans Lucas. AFP)
par Léa Falco
publié aujourd'hui à 4h37

La transition écologique paraît vivre sa traversée du désert : reculs français et européens, restrictions budgétaires, déclassement dans les priorités politiques et disparition dans les engagements du monde économique… Difficile de ne pas voir la fin d’une dynamique que les derniers mois avaient déjà étiolée. Faut-il pour autant nous préparer à l’enterrer ?

Alors même qu’une partie du spectre politique surfe sur un supposé «ras-le-bol écologiste», le baromètre «Les Français parlent climat 2 025» montre un soutien large de l’opinion aux politiques climatiques. Doubler le parc d’énergie renouvelable, refuser les accords de commerce ne respectant pas les engagements nationaux, développer le transport ferroviaire : autant de mesures qui rassemblent plus des deux-tiers des sondés. La transition écologique peut donc bénéficier d’un soutien plus consensuel que le débat partisan actuel sur la question ne le fait croire. A condition, comme le montre depuis des années le baromètre de l’Ademe, que la répartition de la charge de l’effort soit équitable, préalable à son acceptation sociale.

Mais il ne faut pas nous aveugler en imaginant que le sujet peut fédérer à lui seul. Si l’environnement est un thème d’importance pour les Français, il pâtit des phénomènes de hiérarchisation. Selon le baromètre de Parlons Climat, il n’arrive qu’en cinquième position des sujets qui préoccupent le plus, derrière le pouvoir d’achat, l’insécurité, la santé, l’immigration.

En bref : sujet potentiellement consensuel, mais pas prioritaire.

Voyons au moins le vert à moitié plein : repenser nos approches autour de la transition écologique pourrait s’avérer fertile pour gagner du terrain, dans un espace politique qui caricature les sujets environnementaux, et alors que l’opinion publique ne partage pas le vocabulaire d’initiés des militants écologistes. Nous avons atteint les limites d’un plaidoyer fondé sur la réalité du réchauffement climatique. Il ne s’agit plus de lutter pour faire accepter un constat, mais de prendre au sérieux une nouvelle donne existentielle qui demande de repenser tous les sujets. La transition écologique abandonne donc désormais son nom pour en prendre mille autres : le logement digne, la planification des emplois, la santé, l’alimentation pour tous, etc.

Revendications transverses à différents sujets

Pour les militants écologistes, cela implique d’adopter de nouvelles méthodes de mobilisation, en cherchant à gagner en surface de contact avec le grand public par l’infusion dans d’autres préoccupations sociales. Le temps est à la construction de larges coalitions avec les autres organisations de la société civile. Il nous faut trouver un équilibre difficile, en construisant des revendications transverses à différents sujets (environnementaux, sanitaires, sociaux…), tout en évitant que certaines de ces facettes n’en éclipsent d’autres. Le mariage n’est pas simple : d’un côté, nous devons abandonner notre tendance à isoler les questions environnementales. Mais de l’autre, il est indispensable de continuer à soutenir et à porter des enjeux souvent purement écologiques, piliers de la transformation de nos systèmes sociotechniques. Ces deux objectifs permettent ensemble de construire une assise crédible à la transition écologique, à la fois sociale et matérielle.

Les militants écologistes le savent, la balance nette de la transition écologique est positive. Mais avoir raison seuls, dans un cas comme le nôtre, c’est avoir tort. Il nous faut maintenant adapter nos objectifs, nos stratégies et nos tactiques pour faire voir et vivre, au concret, une écologie qui répond à des questions associées dans l’imaginaire collectif à d’autres sujets que le nôtre. La transition écologique est morte ? Vive la santé, les emplois, l’alimentation, bref… vive la transition écologique !