Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.
L’inaction écologique est à l’évidence une menace majeure pour les démocraties dans la mesure où elle accentue les inégalités entre pays mais plus encore au sein d’un pays. Ce sont les personnes les plus défavorisées qui produisent le moins de gaz à effet de serre et qui subissent le plus les conséquences des dérèglements climatiques. Or, la démocratie a pour promesse l’égalité.
Mais l’action écologique est également un défi démocratique, notamment l’exigence de sobriété. Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050, pour que les chiffres «bouclent», il faut réduire la consommation totale d’énergie de 40 %. Ce sont les chiffres avancés dans le plan de transition énergétique. Des chiffres à ne pas confondre avec l’efficacité énergétique qui consiste non pas à réduire la consommation totale d’énergie mais la consommation d’énergie par point de croissance.
La question est donc posée : pouvons-nous concilier sobriété et croissance ? Historiquement, aucune preuve, aucun exemple pour répondre positivement. En 2020, lors du premier confinement, la baisse de la consommation de l’électricité n’a été que de 15 à 20 %. Plus encore, les études montrent un lien systématique entre l’augmentation de la consommation d’énergie et la croissance du PIB dans tous les pays du monde. Décroissance et démocratie se concilient difficilement. La solution pourrait venir de technologies de rupture. Mais, nous n’avons pas le temps d’attendre ces technologies de rupture. Et plus encore, aucune solution technologique ne peut être étudiée indépendamment de son acceptabilité et son impact sur la société. Donc toute solution technologique exige un débat démocratique.
Allons plus loin, avons-nous des exemples de mesures de sobriété réussis ? La rénovation des bâtiments pour consommer moins d’énergie est une mesure de sobriété conciliant bien-être et écologie. Mais, la réalité est que les ménages bénéficiant de ces économies les réinvestissent dans de nouveaux appareils. Cet «effet rebond» a pour conséquence de fortement limiter la baisse de consommation d’énergie. De nombreux facteurs peuvent expliquer l’apparente irréconciliabilité entre sobriété et croissance : la nécessité de se conformer à des modèles de société dominants consuméristes, la dissonance cognitive d’un homo sapiens programmé pour le «toujours plus».
Il semble donc impossible de réconcilier écologie et croissance. A moins que le débat ne soit posé en des termes plus politiques. A moins de poser un débat profondément démocratique en réinterrogeant la convention sociale qui a déterminé depuis presque quatre-vingts ans ans l’indicateur supposé du bien-être : le PIB.