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Exposition

L’empreinte carbone scrutée par les Arts et Métiers : «Questionner nos usages sans être moralisateur ou culpabilisant»

« Mon empreinte carbone » au Musée des Arts et Métiersdossier
Du 16 octobre 2024 au 11 mai 2025, le musée des Arts et Métiers de Paris accueille une exposition temporaire centrée sur la notion d’empreinte carbone. Visite en avant-première.
«Empreinte carbone, l’expo !» au Musée des arts et métiers à Paris, le 9 octobre 2024. (Christophe Maout/Libération)
par Lucas Zaï--Gillot et photo Christophe Maout
publié le 14 octobre 2024 à 5h51

Alimentation, consommation, sobriété énergétique… En partenariat avec le musée des Arts et Métiers, à l’occasion de l’exposition «Empreinte carbone, l’expo !», retour à travers l’histoire des techniques et des innovations sur les moyens d’inventer un développement durable.

Premiers avions, locomotives à charbon, maquettes d’aciéries ou premières voitures à moteurs thermiques… Conservées au Musée des Arts et Métiers de Paris, ces innovations techniques ont révolutionné nos modes de vie, mais ont fait exploser nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et notre empreinte carbone. Face à l’urgence climatique, les appels à la réduire se multiplient. Mais qu’est-ce que cette «empreinte» ? Dans une exposition présentée du 16 octobre 2024 au 11 mai 2025, le musée des Arts et Métiers propose de répondre à cette question dans son parcours temporaire «Mon empreinte carbone». Un événement dont Libération est partenaire.

«Le but, c’est d’être le plus pédagogique et familial pour défricher un concept un peu touffu», explique Anaïs Raynaud, la cheffe de projet chargée de l’exposition, plantée dans la salle d’introduction de l’exposition devant un mur floqué d’une immense frise chronologique retraçant les émissions du GES au fil de l’évolution des énergies. Retour au XIXe siècle, la révolution industrielle et son recours aux énergies fossiles a fait exploser les émissions de GES. «Notre musée est souvent identifié comme le temple de la révolution industrielle, s’amuse Bertrand Cousin, responsable du département des expositions. Ce parcours temporaire est intimement lié au patrimoine technique de la collection permanente.»

Sur ces mots, le binôme pénètre dans la salle d’exposition conçue avec une démarche bas-carbone. De grands échafaudages de chantiers recouverts de papiers kraft ou de bois recyclé délimitent cet espace d’environ 600m2 découpée en trois parties. «D’abord, on vient explorer la définition de l’empreinte carbone d’un objet à travers son cycle de vie», détaille Anaïs Raynaud. De la conception à son obsolescence, en passant par son utilisation, son transport, un produit a forcément eu un impact sur l’environnement.

Pour illustrer ce cycle de vie, les équipes derrière l’exposition ont fouillé dans leurs tiroirs et leurs placards pour mettre en avant des objets du quotidien. «Ce sont mes baskets qui sont décortiquées ici et là, ce sont mes Legos», rigole la cheffe de projet en pointant ces objets dont l’empreinte carbone est quasiment concentrée dans la fabrication, le transport et la vente. Tout le contraire de la carcasse de moteur thermique ou d’un vieux Macintosh, exposés à deux pas, qui consomment de l’énergie tout au long de leur utilisation.

Vient la deuxième partie de l’exposition, centrée autour de l’alimentation et l’empreinte carbone de nos modes de vie. «Notre but est de permettre aux visiteurs de se questionner sur leurs usages, sans être moralisateur ou culpabilisant», précise Bertrand Cousin. Pour cela, rien de mieux que regarder ce qu’il y a dans son assiette. Le sourire aux lèvres, Anaïs Raynaud fond sur un bac de briques en bois recyclées, en sort une grosse pièce et pointe une inscription. «Steak de bœuf, 100 g pour 50 kg d’équivalent CO2». Elle en sort une seconde, bien plus petite qui représente du poulet. «Il y a aussi des protéines, des légumes, liste-t-elle. Tout pour faire son menu et avoir une idée de l’empreinte carbone de son alimentation.»

Après avoir questionné le contenu de son assiette, nos deux hôtes passent par la «Caisse carbone». Cet autre jeu permet de scanner un code-barres associé à un vêtement, un mode de transport, un loisir. Une fois ses courses faites, l’empreinte carbone du joueur s’affiche (comme dans un simulateur) et peut se comparer à la moyenne française (neuf tonnes de CO2 par an) à comparer à l’objectif des deux tonnes de CO2 par an. Il peut alors faire un nouveau panier, changer quelques habitudes et observer les résultats.

Explorer les solutions

Si l’exposition permet de constater qu’un changement des habitudes est nécessaire face à l’urgence, le discours est loin d’être pessimiste. La dernière partie du parcours vient en effet explorer différentes solutions, à l’étude ou déjà appliquées, pour limiter l’empreinte carbone de nos activités. «On a pensé la dernière partie de l’exposition comme un concours Lépine des solutions», poursuit Anaïs Raynaud avant de présenter quelques candidats et de laisser au visiteur le soin de choisir son lauréat. Une maquette architecturale d’une structure d’habitat bas-carbone côtoie une maquette de cargo à voile ou encore un four solaire Low-tech.

La technologie high-tech n’est pas toujours la panacée. Ces solutions d’avenir font aussi la part belle à des objets qui ont plus de 70 ans. Un vélo quatre places électrifié de la fin des années 1940 trouve une nouvelle jeunesse. A deux pas, une centrale vapeur Seb du début des Trente Glorieuses est érigée en symbole de la réparabilité. «A l’époque, le constructeur vendait son objet avec un livret de pièces détachées, raconte Bertrand Cousin. Cela enfermait le consommateur dans une marque, mais cela incitait aussi à réparer et à réutiliser ses objets.»

Avant de quitter le parcours, les visiteurs peuvent se prêter à un dernier jeu de rôle sur une table numérique. Entourés par les quatre scénarios de l’Ademe pour atteindre la neutralité carbone en 2050, un industriel, un homme politique et deux citoyens doivent prendre plusieurs décisions pour mener leur mini-société vers cette neutralité. De quoi rappeler que les actions individuelles comptent, mais qu’elles doivent être accompagnées par tous les acteurs de la société.