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Climat Libé Tour Nantes: tribune

Lendemains d’ébriété foncière : l’heure est à la sobriété

Climat Libé Tourdossier
Par William Aucant, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Convention citoyenne pour le climat.
Lors d'une marche des Soulèvements de la Terre, à Nantes en juin. (Sebastien Salom-Gomis/AFP)
par William Aucant, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Convention citoyenne pour le climat
publié le 14 novembre 2023 à 16h02
Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, «Libé» explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Cinquième étape à Nantes les 18 et 19 novembre.

Comment pouvons-nous rester spectateurs alors que nos précieux sols, qui prodiguent notre eau, notre nourriture, sont engloutis sous une bétonisation implacable ? Lors de la Convention citoyenne pour le climat, nous avons appelé à une mesure audacieuse, soutenue par une volonté populaire à 99 % de consensus : réduire de moitié le rythme d’artificialisation des sols en dix ans. En devenant conseiller régional après la loi climat, j’ai pu poursuivre l’accompagnement de cette mesure majeure.

Mais voilà, le sujet patine. Des articles de loi, censés être des remparts, se transforment en passoires. Les assouplissements récents au Sénat et les reculs sur les méthodes trahissent l’esprit de l’engagement pour lequel nous avons été appelés : le climat. Et d’aucuns ne toléreraient qu’une mesure de la Convention, validée presque à l’unanimité et qui a évité les filtres et les jokers, soit diluée dans les méandres de la politique politicienne.

En Pays-de-la-Loire, d’où je vous parle, les voix de la majorité régionale se sont élevées pour réclamer 3 400 hectares supplémentaires de terres à sacrifier sur l’autel de l’attractivité. Heureusement, l’Etat a tout de suite douché ce relent d’ébriété foncière. En tant que témoin et acteur, citoyen, architecte et élu, je m’interroge : comment peut-on encore bafouiller sur un sujet d’une telle importance ?

A celles et ceux qui œuvrent pour le ZAN (Zéro artificialisation nette), je dis ceci : ce combat est juste. Pour chaque hectare de terre englouti sous le béton, c’est un pan de notre biodiversité qui s’éteint, c’est une parcelle de notre souveraineté alimentaire qui disparaît, ce sont des kilomètres supplémentaires de routes. Construire dans l’enveloppe urbaine existante, réquisitionner des espaces vacants (8 700 sites sont en friches en France), rendre réversible des bâtiments… Autant d’outils que nous avions demandés à la Convention pour cheminer vers un avenir soutenable.

Chaque été nous rappelle qu’il est temps de changer de paradigme. Stimulons un mode de vie où les logements donnent sur des arbres et non sur le gris des parkings, où le déjà-là se métamorphose sous nos yeux en nouveaux usages, où le vivant non seulement s’adapte mais également se régénère. Nous avons besoin d’un autre modèle moins dépendant de la voiture et où le droit à la qualité de vie et la durabilité sont des piliers de l’aménagement.

Bien qu’il nous reste «tout juste» vingt-six ans pour organiser le ZAN, ce début de mise en œuvre nous appelle à la vigilance. Ne laissons aucun intérêt particulier primer sur l’intérêt général. Mettons en place des politiques favorisant la redistribution des populations, des emplois publics et privés, des services, de l’offre culturelle et médicale, dans les sous-préfectures, les villes moyennes, les bourgs, les villages… de nos territoires.

La lutte contre l’artificialisation des sols est un moteur de progrès, un combat pour la justice et l’équité. Œuvrons pour des villes légères, pour des campagnes vivantes et, osons le dire, pour des lendemains qui chantent.