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Solutions solidaires: tribune

Les bons comptes des projets Territoires zéro chômeur de longue durée

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L’expérimentation a été lancée en France en 2016. Modèle de coopération et d’exhaustivité, elle est depuis citée en exemple par des institutions internationales, explique Laurent Grandguillaume, président du projet.
Depuis le lancement du projet, environ 2 500 personnes ont été embauchées dans les entreprises créées à cet effet. (Frederic Petry/Hans Lucas. AFP)
par Laurent Grandguillaume, président de Territoires zéro chômeur de longue durée
publié le 19 octobre 2023 à 16h47
Comment réinventer une gouvernance qui fait la part belle aux coopérations entre Etat, collectivités territoriales, associations, entreprises et citoyens ? Quelle place alors pour cette France qui essaie ? Rendez-vous le 26 octobre au Conseil économique, social et environnemental. Evénement réalisé en partenariat avec l’association Départements solidaires, le département de la Gironde et la Fondation Jean-Jaurès. Inscription gratuite : cliquez ici.

L’expérimentation «Territoires zéro chômeur de longue durée» se développe en France depuis 2016. Ce sont aujourd’hui 60 territoires qui expérimentent, présents dans 40 départements et dans les territoires ultramarins. 100 territoires supplémentaires se préparent à expérimenter dans le futur. Et 20 territoires se lancent en Belgique, aux Pays-Bas, en Autriche ou encore en Italie. Le projet a désormais une reconnaissance internationale. Il est cité en exemple par la Commission européenne qui va financer son essaimage sur le continent, l’Organisation internationale du travail, l’OCDE ou encore l’ONU.

Née dans la société civile parmi les acteurs de la lutte contre la pauvreté, l’expérimentation repose sur un consensus national à travers deux lois votées à l’unanimité au Parlement, lois qui en définissent le cadre. L’idée est simple : il s’agit de mobiliser le coût du chômage de longue durée supporté par l’Etat et par les conseils départementaux pour financer un emploi en CDI et rémunéré au smic dans une activité qui n’entre en concurrence avec aucune activité existante dans le territoire concerné. Près de 2 500 personnes, en moyenne au chômage depuis près de cinq ans, ont été embauchées dans les entreprises à but d’emploi créées à cet effet dans les territoires concernés. Par ailleurs, 2 500 personnes de plus ont retrouvé un emploi dans l’économie locale grâce à la mobilisation des acteurs du projet et à leurs partenaires publics comme privés.

Qu’est ce qui fait la singularité ce projet ? C’est tout d’abord la recherche de l’exhaustivité et donc de ne laisser aucune personne au bord du chemin. Le projet est présenté en porte à porte dans tous les territoires pour toucher les «ignorés». C’est aussi la coopération qui est organisée dans chaque territoire pour faire naître le projet dans un comité local pour l’emploi avec les élus locaux, les acteurs publics, les associations, les partenaires sociaux, les entreprises, mais aussi et surtout les personnes privées durablement d’emploi. C’est dans cette instance de concertation que sont dessinées les activités nouvelles dans le territoire. Elles sont majoritairement dans le secteur de la transition écologique. Mais elles participent aussi à la réindustrialisation, aux mobilités alternatives, aux services à la personne ou encore aux services de proximité pour les entreprises. Le chiffre d’affaires développé complète l’activation de la dépense passive pour garantir la pérennité du modèle économique. C’est enfin d’accepter que tout n’est pas monétaire ou argent. L’impact du projet pour les personnes et les territoires dépasse les simples évaluations coûts-bénéfices.

L’expérimentation sera prochainement évaluée par un conseil d’évaluation scientifique désigné par l’Etat. L’objectif est à la fois de réussir le passage à l’échelle et de préparer une nouvelle étape qui permette de soutenir tous les territoires volontaires qui veulent expérimenter, sans limite de nombre. Face à cette ambition, les débats budgétaires pour préparer 2024 montrent qu’il existe des doutes chez les pouvoirs publics qui n’ont jamais été les fers de lance de l’expérimentation dans un pays historiquement centralisé dans le domaine des politiques de l’emploi. Est-il possible de passer à l’échelle un projet porté par la société civile et financé par l’activation du coût du chômage de longue durée supporté par la puissance publique ? La réponse est sans nul doute dans la confiance nécessaire pour permettre à la société civile d’agir aux côtés des pouvoirs publics. Il faut autoriser la société civile à mettre en œuvre des solutions en tant que partenaire, et non pas comme prestataire. Expérimenter a un coût, mais démocratiser n’a pas de prix.