Face à la défiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat, des institutions ou de la politique, quel rôle les collectivités locales peuvent-elles jouer ? Tel était l’objet d’un colloque organisé à Rouen par le Centre national de la fonction publique territoriale. Un événement dont Libération est partenaire.
Notre époque est marquée par une crise profonde de la cohésion sociale et du vivre-ensemble. Contrevérités, méfiance envers les institutions, montée des populismes : autant de symptômes d’un monde incertain où les repères vacillent. L’Etat semble s’effacer, tandis que les citoyens se sentent laissés-pour-compte. Les défis sont immenses : changement climatique, tensions géopolitiques, révolution numérique… Nos sociétés apparaissent tétanisées face aux assauts des idéologies réactionnaires. Les réseaux sociaux, loin de nous rapprocher, nous enferment dans des bulles, amplifiant la défiance envers le collectif et les institutions.
Et pourtant, jamais l’aspiration à une action publique plus inclusive et participative n’a été aussi forte. La demande de démocratie locale est réelle, mais paradoxale : alors que les citoyens veulent être davantage impliqués, on assiste à un repli sur soi qui affaiblit les dynamiques locales et complique le travail des élus et des agents territoriaux.
Injonctions contradictoires
Les collectivités locales ont pourtant un rôle clé à jouer pour retisser du lien et assurer le vivre-ensemble. Face à une telle crise de confiance, elles sont désormais en première ligne, disposant de leviers concrets pour renforcer la cohésion sociale : aménagement urbain favorisant la mixité, dispositifs d’insertion, accès à la culture et au sport, budgets participatifs. Agents de proximité, cadres dirigeants, élus locaux : tous sont déterminants pour maintenir un service public de qualité et préserver le lien social.
Cependant, ils doivent composer avec des injonctions contradictoires : répondre aux urgences du quotidien tout en anticipant les mutations profondes de notre société, avec des moyens souvent limités. La complexification des politiques publiques et la pression constante pour des résultats rapides rendent leur mission toujours plus difficile. Par ailleurs, l’Etat transfère toujours plus de responsabilités sans les ressources correspondantes. Cette contradiction alimente le sentiment d’abandon et la défiance envers les élus : 70 % des Français déclarent ne plus avoir confiance en la politique. Il est temps de changer de paradigme.
SOS démocratie
Former et accompagner ces acteurs sont des premiers pas essentiels pour relever ces défis avec efficacité et engagement. Le CNFPT a un rôle clé : en développant les compétences des agents, en favorisant l’échange de bonnes pratiques, en apportant des outils adaptés aux réalités locales. Dans un monde en mutation rapide, il est impératif d’armer les collectivités pour innover et répondre aux attentes des citoyens.
Se sentir pleinement acteur
Il faut renforcer la démocratie locale en recréant du commun dans une société fragmentée et en proposant une gouvernance qui permette à chacun de se sentir pleinement acteur du projet collectif. En effet, il ne suffit pas de décréter la participation citoyenne, il faut créer les conditions pour qu’elle soit réelle et efficace. Pour y parvenir, nous devons investir dans des politiques ambitieuses et novatrices : encourager le dialogue, accompagner les initiatives locales, favoriser le partage et la connaissance des pratiques innovantes, renforcer la formation des agents publics.
Tels sont les chantiers à ouvrir pour construire une société plus solidaire et résiliente. Les collectivités locales doivent prendre leur part de responsabilité dans ce défi majeur, avec le soutien d’un Etat qui, loin de les craindre, doit leur faire confiance, dans le respect des valeurs de la République. L’avenir de notre démocratie se joue aussi à l’échelle locale. A nous de construire un avenir où démocratie et cohésion sociale riment avec engagement et innovation.