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Témoignages

Les festivals de l’été vus par leurs créateurs

Rio Loco, Mousson d’été, Cabaret vert, festival du film de La Rochelle... Neuf événements racontés par leur créateurs.
(Maia Flore/Libération)
publié le 28 mai 2025 à 4h11

Visa pour l’image

Vu par Jean-François Leroy, directeur général

«Visa pour l’image est intimement lié à l’actualité. C’est une occasion de faire un tour assez exhaustif, grâce aux photojournalistes, de ce qu’il s’est passé tout au long de l’année par le prisme de l’image. Sur les 25 expositions prévues et les six soirées de projection, nous allons couvrir une centaine de sujets. Seront évidemment abordés l’Ukraine, la Palestine et la Somalie, mais également l’Equateur, le Salvador, les Etats-Unis de Donald Trump… C’est aussi l’occasion de mettre en avant la photographie sociale et environnementale. Et puis Visa, c’est l’antithèse des réseaux sociaux et de l’actualité en continu : on n’a, en quelque sorte, qu’un seul numéro par an ! Lorsqu’un sujet paraît dans un magazine, par exemple, il aura droit à 8 à 10 photos. A Visa, notre exposition la plus courte propose 36 images. On prend le temps de raconter le début, le développement, la fin des histoires… Enfin, l’un des piliers de Visa, c’est la gratuité, qui est un sujet fondamental pour nous. C’est très important qu’un festival de notre taille puisse continuer de fournir cet accès à l’actualité de façon gracieuse.»

Festival de Figeac

Vu par Eric Thimjo, directeur artistique

«Le festival arrive à sa 25e édition et, après une succession de directions, la collectivité du Grand-Figeac prend la tête de l’événement cette année. Les enjeux de cette reprise sont de maintenir l’ADN de la manifestation, mais aussi de la faire évoluer. Notre identité, c’est l’amour des belles lettres, du texte dans toute sa diversité. Si les écritures contemporaines ont la part belle, les grands textes du répertoire sont aussi présents. Un fil rouge s’est imposé car Jean-François Champollion est né à Figeac, qu’on surnomme la “cité des écritures”. La programmation est à cette image : on y trouve des équipes régionales, comme le Groupe Merci qui réécrit les contes de Perrault d’une façon trash et caustique, et des nationales qui abordent des thématiques très actuelles, comme l’Abolition des privilèges, d’Hugues Duchêne, qui nous parle de cette nuit du 4 août 1789, avant les Etats généraux, et qui fait le parallèle avec les privilèges d’aujourd’hui, toujours inscrits dans l’héritage du patriarcat. Bien d’autres textes viendront interroger les notions de communauté et du vivre-ensemble.»

Rio Loco

Vu par Fabien Lhérisson, directeur général

«Chaque année, on a une thématique, et là, pour les 30 ans, on a décidé de partir dans les superlatifs en nommant l’édition “Supernova” et avec plein d’autres petits clins d’œil à l’espace. Pour célébrer cet anniversaire, nous avons invité plusieurs artistes ayant marqué l’histoire de Rio Loco, comme Kassav’, qui a donné l’un des concerts les plus marquants de l’histoire du festival, mais aussi Youssou N’Dour et plein d’autres, qui vont venir faire des “capsules temporelles”. Tous les ans, nous présentons aussi plusieurs créations originales et inédites, avec des artistes de notoriété variable, mais qui incarnent toujours notre identité. Cet été, avec la saison France-Brésil 2025, on accueille notamment Angélique Kidjo qui vient accompagnée de trois artistes brésiliennes, pour mettre en lumière l’ouverture sur l’inclusion, l’une des nombreuses forces du Brésil. On donne également beaucoup de place à la scène émergente, notamment avec des artistes régionaux. Nous avons à cœur de proposer des artistes qui ont marqué l’histoire et d’autres qui commencent leur carrière. Rio Loco est un festival défricheur.»

Reconnexion Ramatuelle

Vu par Françoise Balet, organisatrice et présidente de l’association Autre Scène

«La promesse du festival est de permettre aux artistes originaires de Ramatuelle de venir se produire dans la ville de leur enfance. Ici, il y a un conservatoire intercommunal avec des enfants qui rêvent de devenir artistes. Mais leurs parcours les mènent souvent à partir, en général à Paris, pour évoluer. On leur offre un lieu où revenir et se reconnecter à leurs racines. L’idée est née en 2021 autour de Marion Brunetto, la fondatrice du groupe Requin Chagrin. Au tout début de sa carrière, elle a été repérée par Indochine et a fait leur première partie. Riche de cette expérience, elle a donné un concert pour notre 1re édition, et ça a fonctionné : il y a eu un mélange de public local ravi de découvrir ce qu’elle était devenue et de gens qui connaissaient son groupe. Alors on invite des “enfants du pays”, et parfois d’ailleurs, comme Chéri Chéri cette année (photo), à choisir un artiste dont ils aimeraient être la première partie. Un peu l’inverse des programmations traditionnelles où ce sont les têtes d’affiche qui en décident.»

Mousson d’été

Vu par Véronique Bellegarde, metteuse en scène et directrice artistique

«A la Mousson d’été, les textes ne sont pas mis en scène à proprement parler, c’est un endroit où les écritures théâtrales profitent de lectures mises en espace. Cela permet au public de découvrir plusieurs formes, avec des performances qui promettent malgré tout un geste artistique. D’autres lectures sont plus sombres, avec des textes qui demandent une attention plus concentrée. Nous avons aussi des réalisations avec France Culture, avec des casques, un peu comme à la radio. Cet été, nous programmons quinze textes internationaux avec l’idée être une ruche, un incubateur, pour que ces écrits se propulsent sur scène ou bien qu’ils soient édités. Notre festival est engagé : à travers la programmation, plusieurs textes expriment une forme de colère, qui peut se transformer et s’exprimer par de la mélancolie ou de la tristesse. C’est notamment le cas du monologue la Splendeur, de l’Australien Angus Cerini, qui se révolte face à notre monde et notre société emplis de choses qui le percutent de plein fouet. Il y a une énergie vitale très forte, la même que l’on retrouve dans de nombreux spectacles de la Mousson.»

Cabaret vert

Vu par Julien Sauvage, directeur général

«Le nom du festival est un hommage au poète Arthur Rimbaud, né et enterré à Charleville-Mézières. Nous sommes la caricature du festival associatif qui a démarré il y a plus de vingt ans avec 400 euros et aucun réseau ! Je ne dirais pas que je l’ai fondé par amour de la musique, c’était plus par envie de mettre en avant Charleville-Mézières, qui est trop peu et mal connu. Les Ardennes gagnent à être découvertes, et c’est pour cela qu’on a mis tellement d’énergie à faire grandir la manifestation au fil des années. Et malgré notre évolution, jusqu’à devenir l’un des plus grands festivals de musique, nos valeurs restent inchangées : nous sommes très portés sur le développement durable et l’autonomie énergétique. Côté musique, je suis particulièrement fier que l’on ait été les premiers à accueillir l rappeur Travis Scott en 2018. Et cette année, je suis très heureux que l’on fasse venir les Queens of the Stone Age, dont la venue a plusieurs fois été annulée pour cause de Covid ou autres raisons de santé. Cette fois, c’est la bonne !»

Amapola

Vu par Sylvia de La Baume, fondatrice et coordinatrice générale

«Le projet du festival, que j’ai cofondé avec mon frère Yvan, est né en 2019 lorsque nous avons eu une grande prise de conscience sur le féminisme et l’écologie. Nous trouvions que les lieux festifs permettaient de transmettre des valeurs et de sensibiliser à des causes à travers un moment de divertissement. Ce que nous voulions, c’était que des personnes curieuses viennent pour la musique et soient happées par une table ronde, du théâtre ou encore de l’humour, comme avec le cabaret Bad Biches (photo). Nous ne sommes pas un festival militant : ce que nous proposons, c’est de la sensibilisation à des thématiques engagées. Cette année, nous parlons de santé mentale des artistes, de parentalité féministe, des utopies féministes. Côté musique, nous faisons attention à la programmation, notamment aux instrumentistes : nous faisons le choix de ne pas présenter de groupes exclusivement masculins, nous veillons aussi à ce qu’il y ait, à chaque moment, des femmes sur scène et à ce que les créneaux des pics de fréquentation soient distribués à parts égales.»

Festival du film de La Rochelle

Vu par Sophie Mirouze, déléguée générale

«A La Rochelle, il n’y a jamais eu de compétition : dès la création du Festival du film en 1973, le projet était d’avoir une manifestation conviviale et de comparer les œuvres sans les confronter. Cela permet d’avoir une ambiance très détendue, sans jury ni tapis rouge. Dans un monde où l’on a tendance à se comparer et être en concurrence, nous préférons proposer des rencontres. Cette année, en plus de nos rétrospectives, nous faisons un focus sur la Palestine, avec du cinéma documentaire et des fictions. C’était une évidence au vu du génocide en cours. C’est en voyant From Ground Zero, qui a reçu l’Oscar du meilleur documentaire, que je me suis dit qu’il fallait rassembler des films qui n’avaient peut-être pas eu une telle visibilité. Je pense notamment à No Other Land, un projet initié par un collectif de cinéastes qui ont permis à la population gazaouie de s’emparer des caméras, ou encore à Upshot, de Maha Haj, et à Bye Bye Tibériade, de Lina Soualem.»

Udada

Vu par Jeanne Lafitte Boulart, directrice

«Udada est un ovni car nous avons repensé complètement le format du festival. Pendant dix ans, j’ai coorganisé le festival Baleapop, toujours à Saint-Jean-de-Luz, et je pense qu’avec l’équipe, nous avions fait le tour du rendez-vous musical plutôt classique. A Udada, l’idée est de pouvoir inviter des artistes, des collectifs, des architectes, pour qu’ils imaginent des pavillons éphémères. C’est une nouvelle expérience centrée autour d’un parcours multi-narratif pour les festivaliers. Avec les programmations extrêmement variées dans les pavillons qu’on a appelés “udatchas”, les visiteurs peuvent choisir ce qu’ils ont envie de découvrir. Les propositions sont très diverses : des conférences, des ateliers, des lectures, des présentations de livres, des dégustations… Et le soir, des concerts ! Nous sommes très attachés à la culture basque, mais notre programmation va bien au-delà : l’un des pavillons est conçu par un collectif venu de Nantes, un autre par un duo comprenant un ingénieur brésilien. Du côté de la programmation musicale, nous sommes très loin des gros line-ups estivaux : au cœur de notre ADN, il y a le fait que nous sommes un festival défricheur.»