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Libération
Climat Libé Tour Dunkerque: reportage

Les jeunes du Parlement génération transition: «N’importe quoi, tout le monde pollue !»

Après Bordeaux, Paris et Lyon, à l’occasion des précédentes étapes du Climat Libé Tour, le Parlement génération transition a fait escale dans le Nord vendredi 13 octobre. Une cinquantaine de 15-25 ans y étaient invités à imaginer un avenir durable pour leur ville.
A Dunkerque, durant le Parlement génération transition, vendredi 13 octobre. Crédit Nemo Lecocq James (journaliste étudiante à l'ESJ Lille)
par Zélie De Crécy, (journaliste étudiante à l'ESJ Lille)
publié le 14 octobre 2023 à 13h04
(mis à jour le 14 octobre 2023 à 13h08)
Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.

«Vrai ou faux, est-ce que les éoliennes tuent beaucoup d’oiseaux ?» A cette question, les voix s’élèvent, sûres et certaines : «Ouais, c’est vrai !» Au cœur du port de Dunkerque, la Halle aux sucres accueille une cinquantaine de jeunes de la région, réunis pour le Parlement Génération Transition. Au programme de cette journée d’échange sur le climat, un quiz matinal, animé par Pauline et Louisa. Les deux journalistes du média Nowu répondent au micro. Et contre toute attente : «Seulement sept oiseaux meurent par éolienne chaque année en France. Et des mesures sont mises en place pour qu’il y en ait encore moins.» Murmures étonnés dans l’assistance.

Sagement adossés à l’amphithéâtre en bois monté pour l’occasion, un cahier sur les genoux, ou affalés dans des poufs, ils ont entre 15 et 25 ans. Si certains, au fond, somnolent ou en profitent pour une partie de Fifa, les premiers rangs sont plus assidus. Maël est en seconde au lycée Jean-Bart, à quelques minutes de la Halle aux sucres. Cette année, il a été élu «éco-délégué» de sa classe. Un dispositif de sensibilisation qui existe depuis quelques années. «Moi, j’ai jamais pollué de ma vie !» se vante le blond à lunettes. Ses deux amies, Cassie et Antigone, pouffent de rire. «N’importe quoi, tout le monde pollue.»

«Si tu fais le calcul, ça vaut vite le coup»

Pour une génération plus que jamais confrontée à l’urgence climatique, une piqûre de rappel sur ses principaux enjeux ne semble pas de trop. Après le quiz, c’est au tour de Guillaume, représentant d’Oxfam France, de prendre la parole, pour reprendre les bases. Les questions fusent. «Vous dites qu’il faut favoriser les transports en commun, mais le train aussi ça pollue !» s’inquiète une lycéenne. «Effectivement, il n’y a pas zéro coût environnemental, répond le bénévole. Mais si tu fais le calcul, par rapport à la voiture, dans la durée, ça vaut vite le coup.»

Crédit: Nemo Lecocq James (journaliste étudiante à l’ESJ Lille)

Imaginer Dunkerque en 2050

Mais le but de cette journée, c’est surtout d’ancrer ces enjeux dans le territoire dunkerquois. Les jeunes sont ainsi invités à mettre la main à la pâte. Répartis en petits groupes, ils sont invités à imaginer Dunkerque en 2050, le temps d’une après-midi. Culture, transports, formation et emploi, comment envisagent-ils la transition d’une ville marquée par l’industrie ? A la fin de la journée, ils ont rendez-vous pour soumettre leurs idées à des élus de la communauté urbaine de Dunkerque.

D’un côté, Ludovic Chambrin et Christelle Humi, responsables jeunesse et démocratie locale à la communauté urbaine de Dunkerque, animent un groupe sur le thème de la culture. «L’objectif, c’est de les faire réfléchir, discuter, explique Christelle Humi. Qu’est-ce qu’ils aimeraient voir en 2050, en imaginant que Dunkerque ait fait sa transition heureuse ?» Mila, Basile et Manon s’emparent de feutres et de crayons. Un musée multiforme, avec un poulailler et un potager, une réserve naturelle marine ou encore une bibliothèque alimentée à l’énergie solaire. Les idées sont couchées sur le papier.

L’ambiance est plus sérieuse à l’étage en dessous. Le thème «Formation et emploi» inspire un avenir moins rose. «Quelle image avez-vous des métiers de l’industrie ?» demande Emmanuelle Leroy, directrice Attractivité et Emploi de la communauté urbaine. «Le fordisme, le travail à la chaîne !» En face, Isabelle Rault, directrice régionale chez Engie Solutions, s’efforce tant bien que mal de les rassurer. Passage aux énergies renouvelables, objectifs de recrutement… Sébastien, 22 ans, rétorque : «On est beaucoup à avoir grandi dans la région, avec des parents qui ont travaillé dans l’industrie, dans des conditions de travail difficiles. Ils ne nous souhaitent pas de travailler dans ce secteur.»

Dans ce groupe, ils sont une vingtaine à venir tout droit du master Economie-Gestion-Développement durable de l’Université Littoral Côte d’Opale. C’est Léo, un grand blond, en deuxième année, qui a eu l’idée de participer au Parlement Génération Transition. «J’ai demandé à l’école de décaler nos cours d’aujourd’hui. Toute la classe était partante.» Bien informés sur les questions de climat, ils ont «surtout révisé ce matin», admet son ami Sébastien. «Ce qu’on apprend, c’est ce qu’en pensent les lycéens. Ce qu’ils peuvent apporter.»

Crédit: Nemo Lecocq James (journaliste étudiante à l’ESJ Lille)

Ecouter les lycéens

A 16h15 vient l’heure de la restitution des travaux. A travers les fenêtres de la Halle aux Sucres, les mâts du port se sont mis à tanguer sous une pluie battante. Après une journée de discussion, l’assemblée commence à se dissiper. Tour à tour, chacun passe au micro. Les voix tremblent un petit peu sous les applaudissements. Pistes cyclables, développement du covoiturage en véhicule électrique, création d’un festival d’art sur la plage de Dunkerque… Une poignée d’élus de la communauté urbaine écoute une série de propositions parfois concrètes, parfois un peu vagues, pour la plupart inoffensives… Jean-François Montagne, vice-président de la communauté urbaine délégué à la transition écologique, clôture la session parlementaire, satisfait «On vous a écouté attentivement, et on s’est dit que c’est ça qu’il fallait faire. Vous laissez parler, échanger, débattre.»

Mais quel futur pour les projets portés par ce parlement éphémère ? «Vos idées demandent à être retravaillées, affinées, et mises à l’aune de ce qui peut être fait financièrement», ajoute l’élu. Car en effet, après une demi-journée de discussion, difficile d’établir une politique environnementale qui se tient. D’autant que le plan climat de l’agglomération, qui s’étend jusqu’en 2028, a déjà été voté fin 2022.

Sony Clinquart, vice-président de la communauté urbaine en charge de la jeunesse, conclut : «L’imagination est plus importante que les moyens. Et on a besoin de vous pour y arriver.» Les jeunes du Parlement génération transition de Dunkerque devront sans doute attendre pour voir leurs idées financées. Mais en une après-midi, elles ont bel et bien germé.