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Place à demain : focus

Les jeunes sont-ils hors des radars des politiques ?

Place à Demaindossier
A la veille de notre débat «Politiques : élus… mais crus ?», zoom sur une association tourquennoise qui organise des voyages à l’étranger pour voir comment d’autres jeunes s’engagent.
Manifestation étudiante contre la réforme des retraites à Paris, le 9 mars 2023. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 25 janvier 2024 à 22h38
Les 26 et 27 janvier 2024, «Libération» coconstruit avec les moins de 30 ans Place à demain. Un événement dédié à l’écoute de la jeunesse et ouvert aux débats entre toutes les générations. Une soirée et une journée de rencontres gratuites, au Théâtre du Nord et en partenariat avec la Métropole européenne de Lille, le Théâtre du Nord, la CCI Grand Lille Hauts-de-France, l’université de Lille, la «Voix du Nord» et BFM Grand Lille. Entrée libre sur inscription.

De leur dernier séjour à Barcelone cet automne, Aline, Quitterie et Maël, lycéennes et lycéen de 17 ans réunis dans la junior association Les Explorateurs de l’engagement, évoquent avec nostalgie leur rencontre avec le conseil municipal des jeunes Catalans. «Ils sont financés par la mairie, et ils peuvent dire et faire ce qu’ils veulent. Ils ont du budget, un bâtiment avec un espace énorme, de l’autonomie», énumère Quitterie.

Bien loin du souvenir que Maël conserve de son expérience d’ancien élu d’un conseil municipal d’enfants : pour lui, on attendait surtout de lui qu’il sache «bien chanter la Marseillaise devant le maire». «Partout, on est content d’avoir des jeunes pour légitimer des actions, analyse-t-il, mais de là à nous laisser plus de pouvoir, on n’y est pas encore.»

Depuis sa création en 2016, l’association Les Explorateurs de l’engagement, basée à Tourcoing, organise des voyages à l’étranger pour aller voir comment d’autres jeunes s’engagent ailleurs. Athènes, Berlin, Stockholm, Bruxelles, Palerme, Bucarest, Lisbonne, Amsterdam, La Haye, Tanger et dernièrement Barcelone : de toutes ces villes, les Explorateurs ramènent des «bonnes pratiques» et «des manières de s’engager», résume Aline, exploratrice pour la deuxième année.

En huit ans, les «Explos» ont compilé vingt-cinq inspirations autour de la mobilisation. Des idées qu’ils diffusent auprès d’autres jeunes et de décideurs politiques. Dans un livret, ils font par exemple la promotion de cafés et d’espaces réservés pour faciliter les rencontres et la construction de projets, de temps de formation à l’écoute et à l’émancipation des jeunes dédiés aux adultes les accompagnant, de l’importance des réseaux d’échange et d’entraide entre pairs.

«Avant d’être engagée chez les Explorateurs, la politique me semblait loin de moi. Je trouvais que c’était compliqué, déconnecté, pas assez vulgarisé», poursuit Aline, désormais plus à l’aise avec sa citoyenneté. En 2019, d’anciens membres ont écrit dans le manifeste de l’association ceci : «On prétend que voter c’est être citoyen, que voter c’est l’acte fondateur qui nous mène à la citoyenneté active. Nous, explorateurs de l’engagement, affirmons que la citoyenneté ne peut et ne doit se réduire à l’accès au droit de vote. Cette définition est trop restrictive, puisqu’elle exclut de fait les personnes mineures.»

Leur label «Citoyens aujourd’hui», créé la même année, rassemble aujourd’hui une vingtaine de structures de la métropole lilloise. Parmi lesquelles se trouvent des communes, des centres sociaux, des établissements scolaires, signataires d’une charte s’engageant à reconnaître les jeunes qu’ils accueillent comme «acteurs des projets qui les concernent» ou encore leur garantir des espaces de débats, de coconstruction et de décision.

«On veut pousser les jeunes à avoir une parole en tant que mineurs avant d’en avoir une en tant que majeurs. Les décisions prises au niveau national ne sont toujours pas en adéquation avec nos besoins, parce qu’on n’est pas consultés», regrette Maël. Un exemple parmi d’autres : le baccalauréat. «Il change tous les ans. On est dans une expérimentation permanente, même sur ça, on ne nous écoute pas», ironise Quitterie.

Bouchra Masmoudi, chargée de mission jeunesse à la Maison des associations de Tourcoing qui héberge Les Explorateurs, créé autant que possible ces espaces d’échange qui nourrissent l’engagement. «On se rend compte qu’en laissant aux jeunes le temps de réfléchir et la place de s’exprimer, ils disent beaucoup de choses. Quand je vais dans une classe et que certains racontent qu’ils ont participé à une kermesse pour leur club de foot ou une distribution alimentaire avec leurs parents, je leur dis que c’est déjà être engagé. Et si on a envie d’avoir une jeunesse qui se mobilise, il lui faut de la place pour le faire.»