Culture, éducation, justice, information, sciences... Syndeac, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, organise en 2025 une série de débats pour souligner le rôle et l’importance des services publics dans la société. Une série d’événements dont Libération est partenaire. Prochain rendez-vous, le 11 septembre à Montpellier.
Que recouvre précisément le terme de censure ? Pour qu’elle soit qualifiée comme telle, la censure doit émaner d’une autorité publique. «Tous les autres cas qu’on appelle censure relèvent finalement plutôt de l’intimidation, de coupes budgétaires ou de guérillas numériques et sont plus difficiles à cerner», analyse le sociologue Emmanuel Wallon.
En France, les exemples de censure proviennent souvent moins de l’Etat lui-même que d’un échelon local : communes, départements, régions. «Le maire d’une commune continue ainsi d’exercer des pouvoirs de police préventive, à des fins de maintien de l’ordre public, précise-t-il. Et c’est souvent en anticipant ces réactions susceptibles de «troubler l’ordre public» qu’un spectacle est censuré et ce motif invoqué.»
Du côté des départements et régions, la menace s’exerce plutôt par le biais d’une diminution ou suppression de subvention. Mais les coupes budgétaires massives qui frappent le secteur culturel ces derniers temps, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes et dans les Pays de la Loire peuvent-elles pour autant s’appeler censure ? «Toutes les évolutions néfastes qui touchent la culture ne peuvent être qualifiées comme telle, nuance Emmanuel Wallon. Mais il y a convergence d’intérêts : il est plaisant pour un président de région qui souhaite faire progresser un camp électoral de plus en plus à droite de voir que ses adversaires politiques sont affaiblis. Et il est certain que l’un des effets des coupes budgétaires réalisées dans ces régions a été la libération d’une parole décomplexée qui remet en cause les arcanes des services publics de la culture.»
Pour justifier ces restrictions budgétaires, seront invoqués des prétextes de différents ordres : servir les territoires plutôt que les centres-villes, promouvoir une culture plus populaire à rebours d’un secteur jugé trop élitiste… «Autant d’arguments faciles à balayer quand les structures les plus touchées sont au contraire celles qui font le plus d’efforts de délocalisation, en allant à la rencontre de publics plus éloignés de l’offre culturelle, défend Emmanuel Wallon, qui rappelle que proportionnellement à son poids réel dans le budget, la culture a toujours été prélevée de manière bien plus importante que les autres secteurs. Et les économies promises par Laurent Wauquiez ne l’ont pas empêché d’investir de manière conséquente dans un futur musée valorisant la «civilisation gauloise» à Gergovie…»
Autres pratiques qui ne relèvent pas stricto sensu de la définition de la censure : les pressions, menaces ou attaques qui émanent de la société civile, d’associations, de différents milieux intégristes. «Ces écueils sont souvent amalgamés alors qu’ils ne sont pas du même ordre et n’appellent pas les mêmes réponses politiques et juridiques», met en garde Emmanuel Wallon. Pour lui, le principal danger reste l’autocensure, soit «la recherche du consensus et le renoncement à des propos jugés polémiques, pour des raisons économiques (rassembler un large public, séduire des mécènes) ou politique (quand il faut se mettre dans la poche des élus sourcilleux).» Autocensure qui se double d’un autre travers en croissance exponentielle : la crainte d’être vilipendé, cloué au pilori des réseaux sociaux. «Un phénomène bâillon aux effets redoutables».