Comment réinventer une gouvernance qui fait la part belle aux coopérations entre État, collectivités territoriales, associations, entreprises et citoyens ? Quelle place alors pour cette France qui essaie ? Rendez-vous le 26 octobre prochain au Conseil économique, social et environnemental. Evénement réalisé en partenariat avec l’association des départements solidaires, le département de la Gironde et la Fondation Jean-Jaurès. Inscription gratuite : cliquez ici.
Elle est la monnaie locale la plus utilisée d’Europe : au Pays basque, plus de 4 millions d’euskos sont désormais en circulation, dix ans après le lancement de cette devise alternative. Pensée à l’échelle d’un territoire de 315 000 habitants pour 158 communes, l’eusko devance les quelque 80 monnaies locales complémentaires recensées en France et détrône le chiemgauer allemand (1,1 million en circulation).
Le principe est simple : un eusko égale un euro. Quatre mille utilisateurs particuliers et plus de 1 300 professionnels ont désormais changé leurs usages, notamment à la faveur du passage au numérique, avec l’apparition des cartes de paiement Euskokart en 2017, comme l’explique Iban Carricano pour l’association Euskal Moneta, qui porte cette monnaie locale. Le numérique représente désormais les trois quarts des échanges de la monnaie, soit 3,5 millions d’euskos contre 500 000 en version billets.
Archives (2009)
Les années post-Covid ont permis une croissance en flèche. «C’est une période où on a beaucoup parlé de la nécessité d’être résilient localement, d’avoir sa propre économie», analyse Iban Carricano. Résultat, selon des chiffres de l’association, 56 % des professionnels adhérents ont changé de fournisseurs afin de pouvoir payer en euskos.
Certaines collectivités publiques ont rejoint la dynamique
Conçu pour étoffer le maillage économique basque, l’eusko est aussi un levier solidaire. Au moment de son adhésion à l’association Euskal Moneta, chaque usager choisit ainsi une association du réseau à parrainer. La structure reverse ensuite chaque année 3 % du change aux associations élues. En 2023, 69 000 euros ont ainsi été reversés à quarante associations du territoire. En dix ans, ce sont plus de 320 000 euros qui sont venus alimenter les caisses de soixante-dix associations. «Pour nous, c’est le mécanisme le plus incitatif pour un adhérent», souligne Iban Carricano.
Certaines collectivités publiques ont rejoint la dynamique : 35 communes ainsi que l’intercommunalité XXL du Pays basque utilisent à ce jour l’eusko. A Ustaritz, commune d’environ 7 000 habitants à quelques kilomètres de Bayonne, les douze élus du conseil municipal et le maire touchent tout ou partie de leur indemnité dans la devise locale. «C’est un outil qui active la transition écologique, les circuits courts, l’aide aux associations, donc c’était naturel pour nous qui portions ces thèmes dans notre programme», souligne Nikolas Blain, élu de la commune.
A titre d’exemple, la commune qui accompagne ses habitants dans l’achat de vélos à assistance électrique «bonifie même son apport si l’achat se fait en euskos», ajoute-t-il.
Moyennant une faible cotisation annuelle, il est possible d’ouvrir un compte crédité en euskos, de payer en billets, avec son Euskokart, ou en paiement instantané grâce à un QR code, dans tous les magasins adhérents. Pour les professionnels qui souhaiteraient refaire l’échange pour repasser à l’euro, une commission de 5 % leur est appliquée. Et ce pour pousser, autant que possible, à privilégier les échanges économiques sur le territoire, dans une logique de circuits courts. Et à la marge, « pour éviter d’avoir une dérive de local washing», glisse Iban Carricano. Comprendre : afficher son soutien aux valeurs de l’économie circulaire, mais seulement en vitrine.