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Libération
24h de Libé

50 ans de «Libé» vus par… «L’Obs» : «Il y avait une ambition de faire bouger les frontières»

Pour Cécile Prieur, directrice de la rédaction de l’hebdo, «c’est sûr qu’il y a une même famille de pensée» entre les deux titres progressistes. Mais aujourd’hui, elle voit plutôt Libé «comme une source d’inspiration».
publié le 11 novembre 2023 à 12h30

Pour ses 50 ans, Libé s’installe ce samedi 11 novembre à la Cité de la Musique pour 24 heures de festival. Au programme : débats et rencontres pour décrypter l’actualité, découvrir les coulisses du journalisme et réfléchir à la marche du monde. Mais aussi des masterclass, des spectacles vivants et des concerts…

Entre deux titres historiques de la gauche progressiste, on s’imaginait une rivalité larvée pour s’accaparer le débat d’idées, les tribunes signées par Charles Berling et les interviews de Bernard Cazeneuve. Et puis non : ce sont surtout des compliments que nous oppose Cécile Prieur, quand elle raconte Libération : «Je ne nous vois pas dans un univers de concurrence. Avec la droitisation de la société et la puissance qu’a l’extrême droite dans notre pays, c’est surtout une bonne chose que cette presse-là soit vivante.»

Après plus de vingt ans au Monde, elle a découvert depuis trois ans à l’Obs le casse-tête de l’editing, l’art d’allier gracieusement en une le titre qui claque et la photo qui va bien, tout un savoir-faire à Libé : «Mais j’avais le sentiment que cet art s’était perdu. Là, c’est revenu.» Libé, son «journal de cœur» à ses débuts professionnels dans les années 90, elle avoue l’avoir lâché quelques années. Avant de le rouvrir depuis l’arrivée de Dov Alfon à la direction de la rédaction en septembre 2020 : «Je trouve Libé plus en phase aujourd’hui avec son histoire, avec une forme de renouveau par l’enquête qui lui permet d’être accrocheur, incisif.» Quand on lui demande un souvenir, Cécile Prieur évoque l’aventure Libé 3, le «journal total» de 80 pages voulu par Serge July en 1994, pourtant un échec industriel : «Mais on percevait la prétention, dans le bon sens du terme, de ce méta-quotidien qui embrassait l’actualité dans plusieurs cahiers. Il y avait une ambition de faire bouger les frontières. C’était ça, Libé, pendant un bon bout de temps.» Et puis le quotidien a «perdu le fil» d’après elle, «mais comme la majorité des médias», pris en étau entre la crise de la presse et l’arrivée d’Internet. Depuis, la vigueur est revenue dans le camp progressiste, notamment portée par la cause écologique. Mais si on estimait l’Obs et Libé concurrents, c’est aussi parce que les histoires des deux journaux sont emmêlées par de nombreux transferts entre l’un et l’autre – avec Laurent Joffrin en recordman incontesté, trois allers-retours. Des trajets qui allaient surtout du quotidien vers l’hebdo, selon elle : un temps, les grands reporters de Libé partaient régulièrement se refaire la cerise au Nouvel Obs, où ils trouvaient plus de temps et d’espace pour leurs papiers. «C’est sûr, il y a une même famille de pensée. Mais aujourd’hui, je vois plutôt Libé comme une source d’inspiration.»