André-Vianney Espinasse et Eric Savoldelli seront présents au Grand Bivouac d’Albertville. Un événement dont Libération est partenaire
Le quotidien du Peloton de gendarmerie de haute montagne. L’engagement, les cas de conscience, les expériences qui fédèrent, celles qui déchirent. La précision des gestes du secours, l’adrénaline et le vertige… Ligne de vies, récits de secours au Mont-Blanc se lit d’une traite. A travers sept récits d’intervention, on est plongé dans la vie palpitante de ces hommes et femmes qui ont pour profession de ramener dans la vallée les alpinistes qui ont connu mauvaise fortune. Le commandant en second du PGHM de Chamonix, André Vianney-Espinasse, décrit fidèlement ces moments forts où il faut faire preuve de discernement pour prendre les bonnes décisions, accomplir le geste précis. Il est en cela bien servi par Eric Salvodelli, dont les dessins sobres en noir et blanc illustrent avec talent l’ouvrage.
Parfois, cela se passe mal. Et les hommes du PC ne peuvent qu’assister, impuissants, aux dernières heures des victimes. «Christophe a suivi chaque tentative de l’impossible, avec au fond de lui, un soupçon d’espérance. […] Il a eu besoin de les voir […] alors qu’il ne les connaît pas, elles sont presque devenues ses amies en une seule nuit. Christophe trouve que leurs visages sont beaux. Peut-être a-t-il permis à ces jeunes femmes de partir un peu plus apaisées.»
D’autres secours se terminent heureusement. Ainsi pour Dann et Matt, deux grimpeurs britanniques mal en point. «Il faut se figurer la pente d’une piste noire et nos deux alpinistes britanniques qui ne tiennent pratiquement plus sur leurs jambes et qu’il faut retenir à chaque pas. Avec le jour qui décline, Matt ne voit plus rien. Il perd la trace et titube. On se demande s’il ne s’endort pas en marchant. Dann, lui, ne parle plus et marche comme un zombie.»
Et puis, il y a ce massif du Mont Blanc, grandiose, au cœur des récits. Qui n’a nullement besoin d’être mis en scène. Il est là, présent, dangereux, incontournable, fascinant. «C’est tout un pan de la montagne qui a dû se détacher, l’éboulement a dû être titanesque… A travers la poussière stagnante, nous devinons deux cordées distantes d’une vingtaine de mètres. Elles nous font signe. Je me demande comment ces quatre petits points ne se sont pas fait happer par le chaos d’une montagne qui s’effondre… Il y a urgence vitale : le moindre faux pas et c’est la chute, vertigineuse.»
Ce que confirme de vive voix l’auteur : «Quand on revient, on prend le temps de discuter de la situation qu’on a rencontrée, des erreurs ou des fautes qui ont pu être commises. Entre nous, cela peut vite monter dans les tours, mais on redescend aussi vite, autour d’une bière… Parfois, on se rend compte le lendemain de la configuration de l’endroit où on a pu intervenir, en pleine tempête, sans rien y voir, et on se rend compte à ce moment-là que, oui, on a vraiment frôlé le danger».
Le passage le plus étonnant est sans doute quand le sauveteur lui-même devient celui que l’on doit ramener. Avec Julio, qui a du risque une analyse très fine, cela donne : «Dans tous les accidents que j’ai pu observer comme secouriste, il y a toujours un moment où le gars fait un mauvais choix au départ. Ensuite, c’est de la réadaptation permanente à cette nouvelle donne, en essayant de faire le meilleur choix possible. Souvent ça passe, parfois c’est l’accident. Je ne crois pas à la chance en montagne.» Julio ? «Nul ne restait indifférent à la bienveillance discrète de ce Pyrénéen tombé amoureux des Alpes, où pendant plus de trente ans, il veilla sur les alpinistes en perdition. Difficile d’imaginer combien lui seront éternellement redevables. Dans le silence laissé par sa disparition, on murmure qu’il en aurait secouru plus de mille.» Julio ? Un bel exemple concentré de ce métier dans la montagne.