Comment réconcilier métropoles et campagnes, périphéries et centres-villes, écologie et habitat ? Plongée, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu) dans les initiatives qui améliorent les politiques urbaines.
Les espaces ruraux présentent des configurations spécifiques en matière de logement : un parc relativement disponible, peu onéreux et dispersé. Pourtant, ils ne sont pas épargnés par la crise du logement. Un logement sur dix est vide à la campagne.
Alors que la France subit une pression sans précédent, ces territoires pourraient représenter une partie de la solution, avec des marchés plus accessibles et du foncier disponible. Mais les défis sont nombreux, et les acteurs locaux souvent livrés à eux-mêmes, dans un cadre législatif mouvant et peu adapté aux réalités non métropolitaines.
Le parc existant est ancien, dégradé et mal adapté aux besoins contemporains. Le confort et l’implantation des logements découragent parfois les ménages, tandis que les dispositifs de réhabilitation se heurtent à la précarité économique, au vieillissement de la population et à l’atonie du marché immobilier.
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Résultat, alors même que de nombreux logements disponibles et abordables se détériorent dans les centres bourgs, la majorité des transactions résidentielles dans les espaces ruraux et de faible densité se réalise dans le neuf.
L’angle mort des politiques publiques
L’un des enjeux clés est d’inverser cette tendance et de mieux structurer les politiques locales de logement, souvent dispersées et dépendantes d’opportunités ponctuelles. Les collectivités bricolent en fonction des occasions offertes par les dispositifs nationaux et autres plans d’action qui permettent à certaines collectivités − et au détriment d’autres − de conduire des projets ciblés de revitalisation.
Certains dispositifs comme Petites Villes de demain abordent le sujet, mais de manière trop indirecte et localisée. Le logement rural reste un angle mort des politiques publiques. Composé quasi exclusivement de logements privés, le parc rural échappe à toute politique d’envergure, et les collectivités peinent à agir sans soutien pérenne ni ingénierie adaptée.
Décryptage
Des exemples concrets illustrent cette impasse : malgré les moyens mobilisés par l’Agence nationale de l’habitat, le nombre de logements indignes continue de progresser. Beaucoup de ménages modestes acquièrent des biens dégradés faute d’alternative, mais renoncent aux aides à la rénovation, découragés par les démarches et les coûts. Dans un contexte de faible offre sociale, la primo accession donne l’illusion d’un filet de sécurité et devient une solution par défaut, qui conduit nombre de petits propriétaires dans l’impasse.
Sortir d’une vision trop normative
D’autres freins résident dans une vision trop normative de l’habitat. Le bâti traditionnel – pourtant bien adapté au climat et aux ressources locales – est souvent disqualifié par les standards constructifs actuels. Les calculs de performance énergétique ne tiennent pas compte des matériaux anciens ni des filières artisanales, limitant l’accès aux subventions.
Enfin, les campagnes sont désormais soumises à de nouvelles formes de pression résidentielle : essor des résidences secondaires, multiplication des pratiques de bi-résidentialité, développement des plateformes touristiques. Autant de dynamiques encore peu régulées en dehors des zones dites tendues, qui bouleversent l’accès au logement pour les habitants permanents.
Partout en France, émergent pourtant de nombreuses initiatives : béguinages, éco-hameaux, habitats partagés, portés par des collectifs citoyens qui tentent d’inventer de nouvelles façons d’habiter les espaces ruraux. Ces projets sont porteurs, mais restent fragiles sans appui structurel. Penser le logement rural aujourd’hui, c’est articuler solidarités territoriales, revitalisation, sobriété foncière et justice sociale. Cela exige d’adapter les outils, les normes et les politiques au plus près des réalités locales et parfois à rebours des standards métropolitains.