Biodiversité, espace, intelligence artificielle, éducation… Coups de projecteur sur les conférences et rencontres organisées à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Aujourd’hui «Ecouter le vivant» le 8 avril à 14 h 30.
A mesure que la nature est réduite au silence, il nous invite à tendre l’oreille. Jérôme Sueur, est enseignant-chercheur au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. Il se consacre à une discipline méconnue, l’éco-acoustique et, avec son équipe, à une vaste étude sur les forêts françaises.
En quoi consiste l’éco-acoustique ?
Elle est née de la bio-acoustique. Alors que cette dernière se penche sur l’écoute d’une espèce, l’éco-acoustique étudie un environnement sonore global et sur du long terme. Cela induit le son des animaux, ceux de la géophonie, du vent, de la pluie, des rivières ou de l’anthropophonie, c’est-à-dire les sons produits par les machines par exemple. Dans l’éco-acoustique, nous cherchons à quantifier la part de ces différentes catégories sonores. On peut ainsi suivre l’état de la biodiversité et voir dans quelles mesures, elle est impactée par l’activité humaine.
Comment vous y travaillez concrètement ?
Avec mon équipe EAR du Museum national d’Histoire naturelle et du CNRS, nous avons plusieurs projets de suivi. Le premier se situe dans la forêt du Risoux et le Haut Jura, le deuxième en Guyane, à la station de recherche des Nouragues. L’idée est de suivre pendant quinze ans les sons de ces deux forêts différentes, l’une froide et l’autre équatoriale, toutes les deux soumises au réchauffement climatique. Grâce aux enregistreurs automatiques disposés sur place, nous capturons des sons tous les quarts d’heure. Puis nous traitons cette masse de données considérable, notamment grâce à l’intelligence artificielle. Le défi est d’en sortir des informations scientifiques : quelles espèces sont présentes, en quelle quantité ? Comment la population se répartit-elle ? Quels sont les effets d’une perturbation ? etc.
Depuis début mars, votre équipe est également postée au chevet de nombreuses forêts françaises ?
Oui avec le projet Sonosylva, financé par L’OFB. C’est en réalité une expérimentation pour voir s’il est possible, et grâce à quels outils, de suivre l’état de la biodiversité par le son. Nous avons installé une station d’écoute sur 110 sites forestiers, tous protégés, dans des parcs naturels, des réserves etc. Jusqu’à fin septembre, elles vont capter des enregistrements afin de documenter la dynamique spatiotemporelle de ces forêts et de répondre à ces questions : de quels sons se composent-elles, ceux des oiseaux, des insectes, des amphibiens, des mammifères ? A quel moment arrive le printemps ? L’ambition, c’est aussi de savoir si elles sont polluées par des sons extérieurs : machines agricoles, quads, avions. Et à plus large échelle de sensibiliser le grand public au sonore. Nous aimerions en effet faire prendre conscience que les milieux naturels ne se vivent pas uniquement via la vue. L’ouïe reste un sens encore trop peu pris en compte, notamment lorsque l’on parle de pollution.