Alimentation, consommation, sobriété énergétique… En partenariat avec le musée des Arts et Métiers, à l’occasion de l’exposition «Empreinte carbone, l’expo!», retour à travers l’histoire des techniques et des innovations sur les moyens d’inventer un développement durable.
Face à l’urgente nécessité de réduire l’empreinte carbone humaine, l’ingénieure Emma Bousquet-Pasturel revient sur la démarche «Low-tech» et présente l’expérience Biosphère urbaine qui permet de vivre dans un appartement durable qui «atteint les objectifs 2 050 de l’ONU en termes d’émission carbone».
Les ressources s’amenuisent, les limites planétaires sont unes à unes dépassées. Pour continuer à vivre, l’espèce humaine semble obligée d’adapter son mode de vie. Si certains sont persuadés que le progrès technologique est salvateur, Emma Bousquet-Pasturel, ingénieure au Low-tech Lab et chargée de l’expérimentation Biosphère urbaine, pense qu’il faut «tendre vers plus de lenteur, de sobriété» et prône la démarche Low-tech.
Qu’est-ce que la démarche Low-tech ?
Il faut insister sur le terme de démarche. Le low-tech, ce n’est pas qu’un objet, c’est avant tout une démarche de questionnement de nos besoins et de leur réponse technologique. Elle s’applique à tous les domaines de la société : l’alimentation, les transports, l’organisation spatiale ou la politique. Il faut que l’on repense les schémas qui nous ont conduits dans la crise écologique et tendre vers plus de lenteur, de sobriété notamment pour réduire notre empreinte carbone.
Par son nom, la low-tech semble s’opposer à la high-tech, est-ce le cas ?
Il n’y a pas vraiment lieu d’opposer les deux, mais il faut sortir du «tout high-tech». Nous sommes abreuvés de discours qui prétendent que la high-tech va sauver le monde et résoudre les problèmes écologiques. Mais pour des questions de ressources, de matériaux, de démographie, cela ne durera pas. On peut encore anticiper les choses, prendre une autre direction et apprendre à faire mieux avec moins.
Près de 80 % de la population mondiale vit en ville, dans des zones avec une forte densité. Est-ce que le mode de vie low-tech peut s’adapter à ces territoires urbains ?
C’est toute l’idée derrière notre expérience «Biosphère urbaine». Avec nos précédentes expériences «Biosphère du désert» et «Vers un territoire low-tech en Cornouaille», on a montré qu’il est possible d’adopter une démarche low-tech dans un milieu hostile, en totale autonomie ou en modifiant les relations entre entreprises et services publics d’une agglomération. Pour «Biosphère urbaine», on voulait repenser l’habitat dans une ville, on a donc créé un appartement low tech à Boulogne-Billancourt. Depuis mi-juillet jusqu’à la mi-novembre, Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron vivent dans cette biosphère pensée pour la vie urbaine en 2040.
À quoi ressemble un appartement Low-tech ?
C’est un studio de 25m2 avec beaucoup moins de machines et d’électronique, beaucoup plus de vivant. Il y a une grande table de bioponie qui permet de faire pousser 120 plantes comestibles et un élevage de grillons. Des grappes de pleurotes poussent dans une grande douche qui vaporise de l’eau, ce qui divise par 10 la consommation d’eau. L’eau est chauffée par des panneaux solaires qui permettent aussi de faire fonctionner la marmite norvégienne dans la cuisine. Grâce à des larves dans les toilettes sèches, les déchets deviennent des ressources comme du biogaz qui permet d’utiliser la plaque de cuisson ou du compost pour le maraîcher. Vivre dans cet appartement permet d’atteindre les objectifs 2 050 de l’ONU en termes d’émission carbone.
Cultiver des champignons, élever des grillons ou faire de la bioponie, est-ce suffisant pour vivre en autonomie ?
Contrairement à la biosphère du désert, le but n’est pas de vivre en autonomie. C’est pour cela que Corentin et Caroline se rendent une fois par semaine dans la ferme bio, à côté. Ils aident les maraîchers en donnant une demi-journée et récupèrent un panier de fruits et légumes pour la semaine. Ils donnent des larves et du compost et vont récupérer des œufs. La démarche Low-tech, c’est aussi miser sur le collectif, s’échanger avec les acteurs. Ça recrée du lien social, alors que la high-tech enferme plutôt l’individu.
Est-ce confortable de vivre dans la biosphère ?
On y trouve une nouvelle forme de confort. On a cherché à créer un habitat agréable, où l’on se sent bien. Il y a le petit bruit des grillons, il y a le petit bruit de la circulation de l’eau pour la bioponie qui sont apaisants. Il y a plein de plantes, des champignons roses qui poussent, c’est magnifique. La low-tech, ce n’est pas un retour en arrière qui est pénible ou inconfortable. Certes, il y a une phase de réappropriation de savoirs, de technique, de nouveaux modes de vie, mais au final, cela permet de se réapproprier des savoirs sur notre mode de vie et notre territoire.