Comment faire rimer éducation et innovation ? A l’occasion des 20 ans du Café pédagogique, Libération organise avec des enseignants et nos invités une journée de débats et d’échanges, le 25 novembre à Paris. En attendant ce forum, rencontres avec quelques professeurs.
En 2010, près de la moitié de ma classe de CE2, CM1 CM2, était déjà présente sur les réseaux sociaux depuis l’ordinateur familial. Il y avait donc un réel besoin de sensibiliser les élèves aux usages raisonnés des médias, conformément aux programmes scolaires. L’organisation d’une classe de découverte à Paris a donc été l’occasion d’utiliser un réseau social pour communiquer avec les familles depuis la capitale. Pour cela, avec Bertrand Formet, à l’époque animateur Tice de la circonscription de Champagnole (Jura), nous avons contacté une enseignante de lycée professionnel, Laurence Juin, qui utilisait déjà Twitter avec ses élèves. Ainsi nous avons décliné le projet pour l’école primaire.
La publication sur ce réseau social a permis de travailler des compétences en maîtrise de la langue (orthographe, grammaire…). Les élèves conscients qu’ils écrivaient pour être lus hors de l’école ont d’autant plus saisi l’importance de la qualité de leurs productions écrites, même courtes. Ainsi, tous les tweets étaient réfléchis, préalablement rédigés au brouillon, corrigés et améliorés avant leur publication. Des objectifs d’éducation aux médias ont été également atteints grâce à la gestion collégiale du compte de la classe et au respect de la charte d’usage construite avec les élèves. Ces derniers ont donc partagé sur Twitter leurs recherches documentaires sur Paris en amont du voyage, par exemple des œuvres du Louvre que nous allions voir, puis ont écrit quotidiennement leurs découvertes durant le voyage, depuis mon smartphone.
Le compte de la classe (@CrotenayCycle3) a eu très vite des abonnés (parents d’élèves, enseignants francophones, médias…) ce qui a ouvert notre petite classe rurale sur le monde et a motivé les élèves pour écrire et donnait du sens au travail scolaire mené en amont. Ils n’écrivaient plus que pour moi, comme dans leur cahier du jour, mais aussi pour les centaines d’abonnés qui les suivaient, et il y avait une réelle bienveillance de leur part, ils leur répondaient, les encourageaient.
Notre utilisation Twitter a été partagée et relayée par le Café Pédagogique qui nous a décerné le prix du forum des enseignants innovants en 2011 à Lyon. Cette mise en lumière du projet a permis d’étoffer la communauté d’enseignants du premier degré qui s’était déjà rassemblée autour des usages pédagogiques de Twitter dès la rentrée 2010.
Bertrand Formet a ouvert un site web où nous présentions notre projet pédagogique afin d’éclairer les enseignants souhaitant se lancer en classe. Il a également créé un site pour recenser toutes les classes utilisant Twitter, les Twittclasses, et a mis en ligne des outils pour mettre en lumière les premiers projets collaboratifs entre les Twittclasses et les enseignants désirant y participer.
Alors, quand le jour de la rentrée 2010, mes élèves m’ont demandé : «Maîtresse ! Quand est-ce qu’on tweete ?» le projet, dédié à l’origine à la classe de découverte à Paris, a pu facilement évoluer vers des projets collaboratifs inter-classes et inter-degrés : échanges de programmes de géométrie avec une classe de 6è du Nord de la France, écriture à plusieurs mains d’écrits longs avec le Québec, jeux d’échecs…
Depuis, de nombreux enseignants se sont emparés de Twitter pour l’utiliser au service de la réussite de leurs élèves et ont créé bien d’autres projets innovants, comme la «Twictée» axée sur la coopération et l’apprentissage de l’orthographe, qui depuis 2013 a touché 200 classes primaires.
La mise en lumière de ce projet m’a permis d’être invitée à siéger au sein du Conseil National de l’Innovation pour la Réussite Éducative de 2013 à 2017. Désormais, j’ai quitté ma classe pour un poste d’enseignante référente pour les usages du numérique (ERUN) au sein duquel je forme et accompagne les professeurs des écoles de la circonscription de Champagnole, Jura, aux usages pédagogiques du numérique.