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Monica Dalmasso : «Ce qui m’inspire à la montagne, c’est le sentiment d’être toute petite dans cet univers immense»

La photographe et alpiniste publie un livre impressionnant et poétique sur la nature et les sommets.
(Monica Dalmasso/Ed. Glénat)
publié le 14 mars 2024 à 2h45

Pour Monica Dalmasso, Sauvage (1) n’est pas un livre sur la montagne mais sur la nature, «un milieu hostile». Ce ne sont pas des endroits où l’on peut rester longtemps, il y est difficile de trouver la bonne position, «d’avoir accès aux endroits qu’on veut pour faire des images». Elle sait de quoi elle parle. Monica Dalmasso est un as de la grimpe, elle a été en équipe de France d’escalade. «C’est ma fibre, explique-t-elle. J’ai fait l’Ecole nationale de photographie, j’étais dans le milieu montagne alpinisme. Ces espaces inaccessibles m’ont toujours attirée.»

«Premières loges de l’effet du réchauffement»

Son univers, qu’on découvre à travers de superbes clichés accompagnés des textes de son ami l’écrivain Cédric Sapin-Defour : des espaces rudes et inaccessibles. «Je me suis bien concentré sur ces prises de vues, la sécurité et le timing de ces ascensions complexes. Avec les chutes de pierre, tout cela est difficile à gérer. Comment se placer ? Avoir la bonne lumière, ne pas compromettre le reste de la course et rentrer de façon sereine. On est aux premières loges pour voir l’effet du réchauffement. Une course qu’on arrivait à faire en plein été on ne peut plus la faire, on y va plus tôt, quand le gel tient toutes les pierres.»

Monica Dalmasso a vu changer la montagne ces vingt dernières années. «On le voit tous les jours, explique-t-elle. Il y a pas mal de photos avec des alpinistes qui surveillent le glacier, observent la fonte des glaces.» Aujourd’hui, «tout se casse la gueule, les changements ? Quand je faisais des images de ski il y avait plein de journées de poudre. Les risques étaient limités. Désormais, les conditions de neige sont délicates et on a du mal à anticiper». Et de citer la mer de Glace qui recule, les itinéraires qui n’existent plus, «le pilier de Drus qui s’est cassé la gueule… Des voies mythiques qui disparaissent».

«J’ai besoin de disparaître»

«Cela devient de plus en plus compliqué de prendre en photo la mer de Glace. Ce n’est pas beau, cela me fend le cœur. C’est une vision d’apocalypse grise et cela tombe partout. Ce qui m’inspire c’est le sentiment d’être toute petite dans cet univers immense mais de faire mon chemin, le livre est axé sur l’homme et la nature mais un homme non conquérant. En tant que photographe, il me faut trouver des harmonies fines, ces zones de friction entre la montagne hostile et poétique, j’ai besoin de disparaître. Je vis dans un milieu dont la majesté me dépasse, j’essaie de montrer les points de vue qu’on a quand on grimpe. Ces images où la seule chose qu’on voit c’est le piton, la seule chose qui soit importante, quand on est immergé dans l’action.»

«La montagne m’amène dans plein de directions différentes et des questions : où est notre vraie place dans une nature sauvage ? Avoir une nature sanctuarisée ce n’est pas mon truc. On en fait partie de cette nature. Il faut juste qu’on trouve la place qu’on a réellement avec respect et l’humilité c’est une erreur de s’exclure de cela. J’essaie d’apporter un petit peu de ma vision.»

Sauvage de Monica Dalmasso, éditions Glénat, Textes Cédric Sapin Defour. 160 pp., 30 euros.