La 39e édition du Festival international du film de montagne d’Autrans (Vercors) s’est achevée le 4 décembre soir. Ce rendez-vous met la culture de la montagne au cœur de sa programmation. Il s’agit d’un «décor unique, témoin de l’évolution politique, ethnographique, artistique, économique et environnementale du monde», soulignent à raison les organisateurs du festival. Un événement qui a développé une ligne éditoriale où se mêlent films et documentaires, livres mais aussi débats, expositions, workshops (et grosse fête le soir) réunissant chaque année les acteurs du secteur et le grand public. Depuis deux ans, Libération y participe directement en étant jury (1) dans deux disciplines de documentaires (palmarès à retrouver sur le site du festival). Retour sur quelques-uns des films projetés.
Naïs au pays des loups
de Rémy Masséglia
Naïs, c’est une petite fille surdouée, la véritable vedette de ce documentaire. Elle sait distinguer des traces de loups dans la neige, décrire les hépatiques bleues, ces petites fleurs annonciatrices du printemps, dit qu’elle est trop petite pour aller à l’école, regarde les étoiles… Naïs est contente d’arriver à la cabane : «Tiptop !» fait-elle ! Elle raconte des histoires de loups transformés en chat, dit qu’elle n’a pas peur du noir. Elle a à peine deux ans. Naïs au pays des loups, de Rémy Masseglia, montre de jolies images de cerfs bramant et de biches aboyant ; de putois, de renards et de loups qui se mordillent le soir et sont toujours en tête devant les hommes qui, eux, sont toujours à la traîne.
L’histoire se déroule dans la vallée de la Roya (à l’est des Alpes-Maritimes). Elle montre la modestie du réalisateur devant ce qui l’entoure, la relation touchante d’un père – le réalisateur – avec sa fille, des images magnifiques de la nature, des marches difficiles et de Naïs qui va – enfin – à l’école, et pense qu’elle emmène avec elle tous les animaux de la montagne.
Les Bénévoles du chasse-neige
de Bruno Peyronnet
Connaissez-vous Montmin ? Ce petit village de Savoie à 1 200 mètres d’altitude, au col de la Forclaz, ne dispose que de deux téléskis. Le «grand» et le «petit». Mais à Montmin, il y a surtout des bénévoles, bien mis en scène dans ce documentaire justement titré les Bénévoles du chasse-neige, de Bruno Peyronnet. Depuis trente ans, des gens d’ici «font» moniteur de ski, conducteur de dameuse, électricien… On attend la neige, on attend les skieurs, on téléphone le soir pour qu’il y ait quelqu’un demain matin à la remontée. Pas facile, le bénévolat.
Ils sont une poignée à se donner corps et âme, à y mettre du leur. L’agriculteur vient avec son tracteur pour poser de la neige là où il n’y en a pas suffisamment. La saison a commencé et, douze jours durant, cela a fonctionné mais, soudain, il s’est mis à pleuvoir… et tout s’est arrêté. Pas de canons à neige ici. «Les seuls canons qu’on connaisse c’est ceux qu’on boit», rigole un des villageois. On se demande si demain, on pourra encore faire du ski à cette hauteur et cela interroge tout le monde.
A Montmin, l’été, on débroussaille et on tond la pelouse pour éviter les fourmilières. Toujours entre bénévoles. L’hiver venu, les vendredis soir, on descend la piste au flambeau puis on boit du vin chaud. Curieuse impression de regarder une époque révolue. Elle devrait pourtant servir d’exemple aux gens des villes avec ses valeurs simples : l’entente, l’entraide, et surtout, faire les choses gratuitement… Comme le dit si justement Marcel : «On ne va pas attendre chez nous les bras croisés. Cela fait du bien de sortir et de servir à quelque chose.»
Njord
de Caroline Cote et Vincent Colliard
1 663 kilomètres sur 63 jours. En traversant le Spitzberg, l’île principale de l’archipel du Svalbard, en plein hiver, quelque 1 000 kilomètres parcourus du nord au sud en autonomie complète, Caroline Cote et Vincent Colliard ont réalisé une première inédite. Avec le film Njord, on sent et on voit, autour d’eux, en permanence, la difficulté de leur raid, le vent glacial, le brouillard et la menace des ours polaires. Ils ont minutieusement préparé leurs vivres, prévoyant même de laisser un point ravitaillement sur une partie de leur chemin. On les voit peiner, ahaner, se décourager, passer des points qui manquent de dégeler, monter leur tente, s’endormir, se réchauffer, coller des pansements sur les doigts de pied.
Caroline est têtue. Vincent, obstiné. Ils forment un couple à la ville, mais ont voulu «oublier leur sentiment amoureux» durant l’expédition, et de toute façon, ils ne pensent qu’à avancer, skis au pied. Manger, dormir. Pas de place pour rêver. Il faut être attentif, suivre les conseils du routeur météo, ne pas se décourager. Il y aura de temps à autre des barres de chocolat et de vrais ours blancs. Des larmes, enfin, de Caroline, lorsqu’ils parviennent à bon port, non sans s’être rajoutés de la route, parce qu’ils ne pouvaient pas passer par où c’était prévu. Ce film est un bel exemple de détermination. Et pose aussi cette question éternelle : mais pourquoi l’ont-ils fait ?
(1) François Carrel pour la compétition films documentaires, Fabrice Drouzy (en 2021) et Didier Arnaud cette année pour le jury Médiadocs.