A l’heure où la protection de la biodiversité demeure essentielle pour notre santé comme pour la lutte contre le réchauffement climatique, comment s’assurer de préserver au mieux notre nature et les espèces qui l’habitent ? Rencontre avec l’avocate et juriste en droit de l’environnement Marine Calmet, qui a travaillé sur de nombreux procès et particulièrement sur celui de «Montagne d’or» en Guyane.
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Vous publiez votre livre Devenir gardiens de la nature en 2021, après un voyage de trois ans en Guyane. En quoi ce voyage a-t-il été un déclic pour vous ?
J’ai été extrêmement choquée de voir que la France voulait mener un énorme projet minier dans la forêt amazonienne. Et ce voyage m’a également permis de découvrir l’immense richesse des cultures autochtones. J’ai appris le droit coutumier avec un des leaders locaux, Alexis Tiouka. Ce qui structure la société autochtone c’est cette idée de solidarité entre êtres humains et nature. J’ai plaidé contre la «Montagne d’or», ce projet de giga mines dans la forêt amazonienne de Guyane. La fosse était tellement grande qu’on aurait pu poser la tour Eiffel dedans.
Quel a été l’aboutissement de ce combat ?
Il y a eu beaucoup de mobilisations partout en Guyane. Un sondage mené par le WWF montrait que 7 Guyanais sur 10 refusaient ce projet. C’est une affaire qui est remontée jusqu’à l’ONU grâce aux efforts menés par la jeunesse autochtone. En 2019, lors des incendies au Brésil, Emmanuel Macron a annoncé l’abandon du projet car il était politiquement intenable. Mais juridiquement ce n’est toujours pas fini, la compagnie minière a déposé un recours contre la France pour obtenir la prolongation de sa concession.
Dans votre dernier livre, vous évoquez «les gardiens de la nature». Devraient-ils être reconnus juridiquement ?
On devrait toutes et tous être gardiennes et gardiens de la nature. S’engager dans la défense de notre milieu de vie, c’est une responsabilité morale vis-à-vis de notre société. Ce n’est pas un hobby de mettre de la rage dans le travail que l’on fait. On le fait car on est profondément convaincus que si on ne le fait pas, personne ne le fera à notre place. Il faut valoriser ces gardiens de la nature, pour donner envie aux jeunes de s’engager et de redonner une place aux gens qui protègent l’intérêt général.
Vous parlez de reconsidérer le modèle actuel, de sortir de l’anthropocentrisme, comment y parvient-on concrètement ?
Notre liberté d’entreprendre s’arrête là où la liberté de la nature commence. Certaines activités ne sont pas compatibles avec la biodiversité. Il faut sortir du modèle de motoculture et se tourner vers les modèles de permacultures. Les activités compatibles avec le milieu biologique ne sont pas celles que l’on a favorisées aujourd’hui. Nous sommes dans une course à la lucrativité, qui favorise une minorité humaine. Cette course est incompatible avec la préservation de nos intérêts. C’est une des raisons pour laquelle la crise écologique existe aujourd’hui. Notre modèle agricole tue la terre, mais aussi les agriculteurs. Il faut réintégrer la notion de partage égal entre les humains et non-humains.