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Libération
Reportage

«On va s’en prendre plein la figure» : les Calanques entre préservation et pressions

Si les mesures de régulation prises par le parc national des Calanques à Marseille sont mieux comprises, des résistances s’expriment dans ce territoire fragile en voie de préservation.

Dans le parc national des Calanques, créé en 2012. (David Tatin/Bios. AFP)
Publié le 08/10/2025 à 5h48

Jeunesse, transports, logement, biodiversité… En 2025, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous gratuits et grand public. Objectif : trouver des solutions au plus près du quotidien des citoyens. Dernière étape de notre édition 2025 : Marseille, les 10 et 11 octobre.

Des randonneurs enjambent les grosses pierres sans y prêter attention. Les deux criques de Sugiton, petit paradis au sud de Marseille, sont à portée de chemin. Délégué à l’action territoriale du parc national des Calanques, Alain Vincent stoppe, lui, net sa marche. Près de trente-cinq ans qu’il parcourt et connaît par cœur les massifs, bien avant la création officielle du parc en 2012. «Un éboulement vient de se produire», lâche-t-il, inquiet, levant les yeux vers l’éperon rocheux d’où se sont détachés les blocs. Un diagnostic est en cours par la ville de Marseille. «Ça craint vraiment, jauge-t-il. S’il faut fermer durablement le sentier, on va s’en prendre plein la figure avec les usagers.» Il faut dire que les relations ne sont pas toujours simples dans ce territoire, que de nombreux Marseillais considèrent comme le leur.

«Le parc a mis en place une série de régulations, poursuit Alain Vincent. C’est récent pour les Marseillais mais l’objectif est de préserver un territoire sous pression.» Les Calanques attirent près de 3 millions de visiteurs chaque année, à 80 % des locaux et 20 % des touristes, dont la fréquentation est très concentrée l’été et sur quelques ponts. Pendant ces périodes, où jusqu’à 2 000 personnes pouvaient venir à Sugiton, la calanque est depuis quatre ans contingentée à 400 personnes par jour, et la balade permise sur réservation. A l’entendre, la mesure est désormais «bien comprise» et l’effet commence à être visible sur les trois hectares sur quatre ravagés par le piétinement des vacanciers, encore sauvables.

Protégée par des potelets, la végétation commence doucement à repousser, ici de la garrigue, là un pin d’une année à peine. Sur d’autres sujets, il l’admet, il faut faire œuvre de pédagogie constante. Pas simple d’expliquer aux cabanoniers de Marseilleveyre d’arracher les plantes invasives qui mettent en péril les espèces locales comme l’astragale de Marseille. «On a fait une opération la semaine dernière, ils n’étaient pas contents, ils craignaient pour leur paysage végétalisé.» Promesse a été faite de replanter autre chose.

La pêche qui fâche

De même, il a fallu expliquer aux amateurs d’escalade que des voies sont fermées d’octobre à juillet pour la reproduction des hiboux grand-duc. «Cela ne concerne qu’une centaine de voies sur 5 000», explique Alain Vincent. Mais le sujet qui fâche ces temps-ci est celui de la pêche de loisir. «Si je vais pêcher à l’Estaque, je peux prendre 30 dorades, mais dans le parc seulement 10», pose Yves Tambon, 78 ans et quasi autant de pêche : très vite, ses grands-parents, anciens cabanoniers à Callelongue, lui ont mis une canne en main – il est aujourd’hui responsable de l’école de pêche du Yachting Club de la Pointe-Rouge.

Encore, il comprend pour la dorade ou le loup la nécessité de déclarer ses captures, pour lutter aussi contre la revente illégale. «Pour les poissons de roche, la soupe de poissons, il va falloir revenir en arrière, continue-t-il. Vous imaginez prendre en photo et déclarer 30 girelles, cela devient épouvantable ! Ce n’est plus une pêche de loisir, c’est une pêche de contrainte.» Mais l’ensemble des pêcheurs amateurs est désormais concerné par de nouvelles règles européennes. Et en la matière, le parc national des Calanques a été pilote.