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Paris 1850-1950, 30 échappées en France, 5 jours au Timor… Huit livres pour voyager cet été

Un Paris historique, l’aventure près de chez soi, un polar sur l’Everest, un accident au Timor, une nuit à Berlin… Notre sélection estivale.
(Getty Images)
publié le 22 juin 2024 à 4h12

Paris 1850-1950, quinze parcours fléchés pour les passionnés d’histoire, d’Alexis Lecomte, Hugo Image.

Il est «raconteur d’histoires et explorateur du patrimoine». Alexis Lecomte n’ignore aucun des secrets de la capitale. Il nous explique à quel point «le passé est présent partout, pour qui prend le temps de le regarder». Ainsi de l’inépuisable Victor Hugo, pour qui on s’arrêtera à l’angle du quai et de la rue des Grands Augustins, où se tient le café La Pérouse, qui fut également fréquenté par Gorge Sand, Emile Zola, Charles Baudelaire ou Gustave Flaubert… Excusez du peu. Au 30 rue du Dragon, Hugo emménage dans sa garçonnière, qu’il partagera avec son cousin Adolphe Trébuchet, une mansarde meublée d’une seule armoire dans laquelle il range ses trois chemises… «Un taudis sans cheminée qualifié de cabinet où il n’y avait, en fait de meubles, que l’indispensable».

A noter un passionnant passage sur la Commune de Paris. Au 85 de la rue Haxo (XXe), les communards exécutèrent cinquante otages le 26 mai 1871. Un peu plus loin, «rue Ramponeau, la dernière barricade tombe sous les coups de canon des Versaillais. Cernés, sans espoir de s’en sortir, les fédérés défendent avec courage leurs positions. La barricade n’est plus gardée que pas un seul combattant avant que l’armée ne la renverse».

D’autres personnages contribuent à la légende du Paris gouailleur et menaçant près de la place du Tertre. «Le quartier devient le terrain de jeu d’un de ces gangs d’Apaches qui sévissent dans le Nord et l’est parisien : les loups de la butte. A la nuit tombée, ces jeunes truands sortent «surins» (poignards) et «rigolos» (revolvers) en quête d’argent facile et de joyeuses libations. […] Les loups de la butte terroriseront Montmartre pendant une dizaine d’années, avant qu’ils ne soient appelés au front lors de la Première Guerre Mondiale. Et ne disparaissent dans les tranchées…»

Enfin, Paris ne serait pas Paris sans ses activités licencieuses. Ainsi la rue Dussoubs, surnommée rue Gratte-cul en référence aux nombreuses prostituées qui s’y activent. «Courtisanes et prostituées se déplacent chez leurs richissimes clients, en mode livraison à domicile».

Slow Aventure, 30 échappées en France pour sortir du quotidien, de Mathilde Giard, Arthaud.

La micro-aventure ? Quand on ne peut plus aller trop loin, prendre l’avion, ou bien parce que l’on est confiné, on se met à découvrir avec un certain émerveillement ce qui nous entoure. C’est ce qu’a constaté Mathilde Giard, qui, avec ses 30 échappées en France propose quelques itinéraires accessibles «pour sortir du quotidien».

Ainsi la «petite Mongolie» qu’est le plateau du Cézalier, entre Cantal et puy de Dôme, peut être parcourue en canoë, à cheval, ou en ski de rando. Le livre propose aussi un bivouac suspendu dans la vallée du Giffre, près de Samoëns, en Haute-Savoie, une plongée sous glace à Tignes (Savoie), l’observation du brame à Chambord (Loir-et-Cher) voire une descente de la rivière Leyre dans les Landes ou (plus original) une transhumance dans le Couserans.

Idée originale de cet ouvrage : avoir pour chaque destination une rubrique «couteau suisse» avec quelques astuces indispensables : «toujours garder son téléphone portable sur soi» durant cette boucle équestre dans le Gers «pas dans une sacoche de selle, en cas de chute ou si le cheval se sauve». Plus loin, dans le «brief de sécu», on découvrira qu’il est prudent de se renseigner sur les périodes de chasse à la palombe dans le Sud-Ouest en automne ou qu’en ville il est de bon ton (à cheval toujours) de «trotter sur la route et non le trottoir, et de ramasser quand c’est possible le crottin».

Le guide ne se limite pas aux forêts ou à la campagne. S’aventurer dans la jungle urbaine est un autre moyen d’appréhender l’histoire. Pour le «brief de sécu» de l’urbex, la liste de précaution est infinie. «Avancer avec prudence en mesurant les risques à chaque passage : prendre garde aux chutes, effondrements, inondations, gaz explosions, exposition à l’amiante… Il faut savoir renoncer devant des planchers, des escaliers ou des plafonds trop incertains». Forts de ces conseils, on pourra ainsi s’aventurer dans les arêtes de poisson de Lyon (des kilomètres de galeries souterraines vieilles de 2000 ans) ou dans une prison abandonnée près de Lille à Loos, pour s’imprégner des murs des cellules couverts de graffitis.

Kodak Everest Pocket, de Nicolas Le Nen, éditions Arthaud.

«Il y eut soudain une éclaircie et toute l’arête sommitale et la cime de l’Everest sont apparues. Mes yeux se sont alors fixés sur un point noir qui se profilait sur une crête de neige sous un ressaut rocheux ; le petit point noir bougeait. Un autre point noir est devenu visible et est monté dans la neige rejoindre l’autre sur la crête… Je pus voir qu’ils avançaient rapidement…» Puis les nuages se refermèrent, et George Mallory et Sandy Irvine s’effacèrent à jamais dans la brume. Noel Odell, auteur de ces lignes, les attendra deux jours avant de redescendre vers le camp de base pour apprendre à ses coéquipiers qu’il n’y a plus d’espoir… Lire la suite.

Cinq jours au Timor de Morgan Segui, Premier Parallèle.

Avec Cinq jours au Timor, Morgan Segui nous conte une histoire qui commence diablement mal pour lui. «J’ai chuté d’environ cinq mètres, du haut d’un versant qui en compte plus de quarante. Presque toute l’histoire qui va suivre est en pente. Cinq jours, seul, sans eau, en pente». Voilà pour un exergue prometteur. L’histoire (vraie, donc) débute un soir. «Mon corps a ensuite frappé une roche pour être stoppé net par la rugosité de la paroi qui perdait là, un court instant sa verticalité». Autant dire que notre homme est en vrac et que risque de s’ensuivre un long calvaire. «J’ouvre un œil, c’est la nuit. Je ne suis pas mort vidé de mon sang. Immédiatement, me reviennent des images inquiétantes : un trou dans mon cuir chevelu, mon crâne à nu, des tissus retournés à vif… Seul, incapable de bouger autre chose que mon bras gauche, au pied d’une falaise, loin de tout sentier, je me récite mentalement la règle de trois de la survie : trois minutes sans air, trois jours sans eau, trois semaines sans nourriture. La situation paraît des plus simples, je vais mourir de soif». C’est sans compter sur la capacité de l’auteur à ne pas se laisser embrouiller par l’adversité, de se trouver des astuces pour se sortir de situations compliquées ; en nous faisant partager (avec une certaine jubilation) ses tourments.

On devrait suggérer aux chefs d’entreprise en mal de motivation pour leur troupe dans ces sessions destinées à «prendre son destin en main, et en même temps, celui de l’entreprise», de lire cet ouvrage et, pourquoi pas, d’inviter son auteur à venir disserter devant les cadres ; ce qui lui permettrait de financer ses prochains voyages, pour notre plus grand agrément de lecteur.

Dictionnaire amoureux de l’aventure, d’Olivier Weber, Plon

«En arpenteur de méridiens, avec des semelles usées par les longs périples, le cœur parfois meurtri, les membres fatigués, quelques côtes fracassées et les illusions laissées sur le bas-côté de la route, j’ai ouvert des sentiers dans la jungle, fréquenté des pirates de fleuve, dîné avec des trafiquants aux frontières, emprunté des pistes improbables, riches en poussière et encore plus en rencontres…» Ecrivain, grand reporter, éternel baroudeur et correspondant de guerre, il y a du Rimbaud en Olivier Weber. On pourrait aussi citer Kerouac, Monfreid, David-Néel… ou Tintin. Un peu d’Indiana Jones aussi… Lire la suite.

La nuit Berlin, de Claire Olivia Deville, édition Double ponctuation.

«A l’époque, tout était possible. Les options se sont vite restreintes ensuite, avec l’entonnoir de l’âge, la vie, les décisions. Aujourd’hui, me voilà coincée sur un morceau de banquise à jamais détachée du continent. Personne ne pourra plus solidifier les glaces, et elles fondent, fondent…» Une jeune femme à la dérive, telle est l’héroïne, au début de l’histoire, du dernier livre de Claire Déville romancière, danseuse et autrice de recueils de poésie… Lire la suite.

Avec toi, je ne crains rien, d’Alexandre Duyck, Actes Sud

«C’est la fin de la journée, le moment redouté, les parents ne sont pas rentrés. Les petits demandent « à quelle heure reviennent-ils, pourquoi mange-t-on sans maman et papa ? »» Ce doit être cela devenir adulte. Mentir comme une arracheuse de dents, mentir à ses propres frères et sœurs. Mentir pour les protéger du pire, pour les préserver bien sûr, mais mentir quand même, en connaissance de cause, sans se départir, sans mauvaise conscience. Simplement parce que la vérité n’est alors, à ce moment, pas encore vraie, pas encore acceptable... Lire la suite.

Sauvage de Monica Dalmasso, éditions Glénat

Pour Monica Dalmasso, Sauvage (1) n’est pas un livre sur la montagne mais sur la nature, «un milieu hostile». Ce ne sont pas des endroits où l’on peut rester longtemps, il y est difficile de trouver la bonne position, «d’avoir accès aux endroits qu’on veut pour faire des images». Elle sait de quoi elle parle. Monica Dalmasso est un as de la grimpe, elle a été en équipe de France d’escalade. «C’est ma fibre, explique-t-elle. J’ai fait l’Ecole nationale de photographie, j’étais dans le milieu montagne alpinisme. Ces espaces inaccessibles m’ont toujours attirée.» Lire la suite.