Libération, partenaire du nouveau cycle de conférences «Les humains dans l’espace» organisé par la Cité des sciences et de l’industrie, proposera régulièrement articles, interviews ou tribunes sur les sujets abordés. A suivre : la conférence «Futur astronaute : comme un ours en hiver», samedi 6 janvier 2024 à 16 heures.
Comment l’ours peut-il rester immobile pendant six mois sans développer ni problèmes cardiaques ni musculaires ? Entre forêts et laboratoires, Fabrice Bertile, chercheur au CNRS, cherche des réponses. Des études qui captivent particulièrement la médecine spatiale.
Pouvez-vous nous présenter la teneur de vos travaux ?
Je suis chercheur au CNRS et je m’intéresse aux grandes pathologies humaines des sociétés modernes – celles du métabolisme, comme l’obésité ou le diabète, ces maladies qui découlent dans certains cas du défaut d’activité physique ou de la malnutrition. Ma démarche est d’aller trouver dans le milieu naturel des animaux qui font face à ces contraintes. Les hibernants comme l’ours sont un très bon exemple. Ils restent plusieurs mois d’affilée sans bouger ni manger, mais perdent très peu de masse musculaire. Toute la question de mon travail est de savoir comment.
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Nous avons pu lire que vous fabriquiez du «sérum d’ours». Comment travaillez-vous sur le terrain ?
J’ai la chance d’avoir intégré un consortium scandinave qui travaille sur des carnivores en milieu naturel et suit les populations d’ours en Suède depuis les années 80. Ils ont la logistique nécessaire pour géolocaliser les ours, grâce à des colliers émetteurs, et réaliser les prélèvements. J’y vais deux fois par an à cette fin. Lorsque l’animal est endormi, on ne récupère pas grand-chose, un peu de sang, et on effectue aussi une petite biopsie de graisse et de muscle. Nous comparons la situation en été et en hiver afin de comprendre ce qu’il se passe au niveau moléculaire dans les organes de l’ours pendant l’hibernation. Il y a quelques années, nous avons découvert que certaines molécules présentes dans le sang de l’ours en hiver pouvaient protéger des cellules humaines contre la dégradation. A partir du sang collecté chez les ours, nous préparons le sérum en nous «débarrassant» des cellules sanguines pour pouvoir rechercher et identifier ces fameuses molécules.
Quel lien avec l’espace et le spationaute ?
La majeure partie de notre travail porte sur les problèmes musculaires. Lorsqu’un spationaute va dans l’espace, ses muscles s’atrophient. Or il faut une musculature en bonne santé pour que tout l’organisme reste en bonne santé. Les molécules du sérum d’ours que nous recherchons pourraient répondre à cette problématique et aider à la préservation musculaire chez l’homme, et en particulier le spationaute. Voilà pourquoi, depuis plus de dix ans, le Centre national d’études spatiales finance nos recherches. Au-delà des astronautes, nos recherches sont aussi destinées aux personnes âgées, sédentaires ou aux malades qui souffrent de fonte musculaire.