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Libération
Climat Libé Tour: tribune

Pollution de l’air : surveiller et prévenir

Climat Libé Tourdossier
Par Denis Merville et Véronique Delmas d’Atmo Normandie, association locale de surveillance de la qualité de l’air.
Manifestation pour interpeller sur les potentiels risques sanitaires de la catastrophe de Lubrizol, le 26 octobre 2019 à Rouen, un mois après l'incendie. (Lou Benoist/AFP)
par Véronique Delmas, directrice d'Atmo Normandie (Fédération des Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air) et Denis Merville, Président d’Atmo Normandie
publié le 23 septembre 2024 à 14h54

Légitimité, rénovation industrielle, biodiversité… Toute l’année, Libé informe sur les enjeux de l’urgence écologique à travers une série d’événements gratuits et grand public. L’objectif : trouver des solutions concrètes au plus proche des territoires. Troisième étape du tour 2024 : Rouen, le jeudi 26 septembre, pour les 5 ans de la catastrophe de Lubrizol. Un rendez-vous réalisé avec le soutien de la métropole Rouen-Normandie et la scène de musiques actuelles le 106, et en partenariat avec le Crédit coopératif, l’Ademe, le groupe VYV, la Fondation Jean-Jaurès, Greenpeace, Oxfam, Le Lierre, Médiatransports, Pioche ! Magazine et Vert. Entrée gratuite sur inscription.

26 septembre 1994. L’étude d’évaluation des risques de la pollution urbaine sur la santé (Erpurs) de l’Observatoire de la santé d’Ile-de-France révèle une hausse de la mortalité, des hospitalisations et arrêts de travail lors des épisodes de pollution. Michel Barnier, alors ministre de l’Environnement, inaugure à Paris une station de mesure de la pollution de l’air. Il déclare : «D’ici l’an 2000, le même système de surveillance sera mis en place dans toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants en France. […] A partir du moment où on sait, où on dit la vérité, on peut mieux agir.» Fin 1996, la loi sur l’air de Corinne Lepage confie la surveillance de la pollution de l’air à des associations agréées, baptisées les Aasqa (Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air). Le principe pollueur-payeur de la loi Barnier de 1995 est appliqué, mais uniquement pour la pollution industrielle.

26 septembre 2019. Un incendie ravage les entrepôts de Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen. Atmo Normandie, l’Aasqa normande, déploie des moyens pour contribuer à documenter son impact. Les habitants témoignent de nuisances odorantes et symptômes sur leur santé, via sa plateforme de recueil de signalements. Les Nez normands, habitants et salariés formés à la reconnaissance des odeurs, complètent ce dispositif. Des retombées de suies sont constatées jusqu’au Pays de Bray [à une cinquantaine de kilomètres plus à l’est, ndlr]. Suite à l’incendie, les retours d’expérience conduisent à renforcer la réglementation et les dispositifs opérationnels. Le public a accès à de nouveaux services (alertes SMS ou par notification), mis en place par les autorités, pour s’informer en cas de crise.

26 septembre 2024. La communication reste un sujet sensible. Ceci s’explique en partie par les langages et référentiels des différents acteurs de la gestion de la crise, éléments peu partagés et parfois décalés avec le vécu des habitants.

Avec leurs instruments de détection, les pompiers contrôlent les niveaux de toxicité dans l’air correspondant à des effets graves et immédiats sur les populations, car leur objectif principal est de guider les opérations de secours.

Les appareils des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air donnent des résultats plus précis (en réponse à des normes en vue de protéger les populations les plus fragiles de la pollution quotidienne) et peuvent documenter l’événement. Deux difficultés existent toutefois : certaines analyses poussées nécessitent des délais incompatibles avec une communication immédiate, et souvent des valeurs de référence sanitaire manquent pour interpréter les résultats.

Dire la vérité, c’est aussi expliquer cette temporalité, ainsi que les référentiels et les incertitudes à chaque étape. Dire la vérité, c’est communiquer sur la connaissance de la situation, oser dire qu’on ne sait pas encore tout.

Chez Atmo Normandie, nous avons 50 ans en 2024. L’histoire de la surveillance de la pollution est ici intimement liée à celle de l’industrie, bien présente. Depuis vingt-cinq ans, le travail des Nez formés à un même langage permet une véritable prise en compte par les industriels et l’administration des nuisances olfactives perçues par les habitants. C’est sensoriel, c’est concret, objectif. Ne faudrait-il pas s’en inspirer en définissant un langage partagé pour toutes les situations de pollution accidentelle entre les acteurs de la crise et de l’information, et avec les citoyens ?