Comment sauver la nuit ? Voici la question posée ce samedi, lors d’un débat du Climat Libé Tour à Marseille. Car la lumière de nos lampadaires et vitrines, ainsi que le bruit de nos voitures et de nos villes, ont systématiquement des conséquences sur nos écosystèmes et notre santé. Le silence est «une denrée essentielle pour le cerveau», lance Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste. Mais avant tout, qu’est-ce que le silence ? «Ce n’est pas une absence de son, c’est un sentiment de ne pas être agressé par l’extérieur […]. Vers 20 décibels, notre cerveau va pouvoir faire synthèse, on aura un sentiment de plénitude», explique l’experte. «Le silence n’est pas du vide, ça peut être du plein, mais c’est quelque chose qui ne va pas perturber», abonde le chercheur en écoacoustique Jérôme Sueur.
S’appuyant sur une carte d’Europe de l’exposition au bruit, publiée par l’Agence européenne de l’environnement, Jérôme Sueur alerte : «Seulement 4 % de l’Europe est une zone de quiétude.» Un constat alarmant, au regard des conséquences sur notre santé : «Cela engendre de l’épuisement. Il y a aussi des impacts sur des aspects cardiovasculaires ou encore des explosions des TDAH [un trouble neurodéveloppemental, ndlr], détaille Cynthia Fleury. D’autant qu’aujourd’hui, on se protège du bruit avec du bruit, avec des casques, ou encore de la musique en permanence.» «Les effets sur les êtres vivants sont quasiment les mêmes que pour nous», poursuit Jérôme Sueur, avant de citer les insectes qui, trop exposés au bruit, verront eux aussi leur stress augmenter.
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«Pollution sonore et lumineuse sont des pollutions combinées», rappelle également le chercheur en écoacoustique. La problématique de la pollution lumineuse n’a d’ailleurs été prise en compte que très récemment : «Il a fallu cinquante ans pour que la puissance publique s’empare du sujet, en 2007, lors du Grenelle de l’environnement», précise le géographe Samuel Challéat, avant d’ajouter : «La lumière artificielle entraîne des perturbations dans les zones naturelles.» Un constat confirmé par une étude allemande, relayée ce samedi à la Friche la Belle de Mai par Anne Legile, directrice du Parc national des Cévennes : «Un lampadaire tue 250 insectes par nuit.» Avant d’appeler à «réduire» le nombre de ces types d’éclairages.
«En amont des solutions techniques et des décrets, il y a la question éducationnelle et culturelle», affirme Cynthia Fleury. Dans le parc des Cévennes, plus grande réserve de ciel étoilé d’Europe, les agents effectuent par ailleurs un travail de pédagogie auprès des visiteurs et habitants dans le but de profiter du paysage nocturne sans le dégrader. Qu’en est-il des nuisances sonores ? «C’est plus difficile d’éteindre le bruit, sourit Jérôme Sueur. Il faut sensibiliser à l’écoute. Si vous écoutez, vous ferez de facto moins de bruit, et vous gênerez moins les autres.» Et de conclure : «Le but n’est pas de se protéger mais de réduire les problèmes à la source.»