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Forum européen de bioéthique

«Poser collectivement un regard bioéthique sur l’IA est primordial»

Au Cœur de la Bioéthiquedossier
Alors que les applications de l’intelligence artificielle investissent le champ de la médecine, il est fondamental de débattre des enjeux éthiques du sujet. Le Forum européen de bioéthique, présidé par le neurologue Aurélien Benoilid, en fournira l’occasion.
Schéma d'un robot opérant sur une colonne vertébrale. (Ilya Lukichev/Getty Images)
publié le 23 janvier 2024 à 14h00
(mis à jour le 24 janvier 2024 à 15h34)
Clonage, séquençage du génome, médecine personnalisée, data… Les technologies bouleversent nos vies et nos sociétés. La quatorzième édition du Forum européen de bioéthique, dont Libération est partenaire, aura pour thème «l’Intelligence artificielle et nous». En attendant l’événement, Libération publiera (ou remettra en ligne) dans ce dossier une série d’articles sur les thématiques abordées.

Du 7 au 10 février se tiendra à Strasbourg la nouvelle édition du Forum européen de bioéthique. Au programme cette année : l’incontournable IA et son cortège de dilemmes éthiques et politiques. Président de ce Forum, le neurologue Aurélien Benoilid décrypte les enjeux de cet événement ouvert à toutes et tous (1).

Qu’est-ce que ce Forum, et quelle est sa mission ?

Le Forum européen de bioéthique est une association créée en 2011 à Strasbourg par le professeur et gynécologue obstétricien français Israël Nisand. Sa vocation est de réunir chaque année des experts d’horizons multiples pour explorer, ensemble, une thématique majeure liée à la bioéthique. L’idée n’est pas de donner des réponses ou des conclusions définitives, mais bien de se poser des questions et de débattre sans dogme ni idéologie.

C’est un événement pluridisciplinaire et ouvert au public, ce qui n’est pas anodin…

C’est vrai. Nous pensons qu’il faut éviter l’écueil de l’entre-soi scientifique. C’est pourquoi nous sommes très attachés à ce qualificatif de forum : un espace ouvert à tous, un lieu d’échange basé sur l’horizontalité et la pédagogie. Scientifiques, sociologues, anthropologues, politiques, mais aussi citoyens et jeunesse… la bioéthique mérite qu’on se réunisse, car pour tenter de déterminer ce qui est bon ou pas pour une société, on a besoin de tout le monde !

Peut-on rappeler ce que recouvre précisément ce terme de «bioéthique» ?

La bioéthique, c’est l’étude des grandes questions – morales, éthiques, philosophiques et politiques – que pose l’évolution des sciences et des techniques humaines, et notamment les innovations biomédicales. Elle consiste, en s’appuyant sur le temps long, à recontextualiser ces évolutions, à analyser leurs opportunités et leurs limites, à réfléchir à leurs conséquences afin que, in fine, la société soit mieux équipée pour cohabiter avec elles.

Cette année, le forum s’intéresse à l’IA…

L’idée du Forum étant de se plonger dans des thématiques qui infusent l’actualité et percutent le réel, l’IA nous a paru être une candidate idéale pour cette édition 2024… Ce champ technologique a déjà de multiples répercussions sur nos vies, et cela va s’amplifier. De nombreuses disciplines sont bouleversées par son usage, comme la médecine, bien sûr, mais aussi l’éducation, l’information, et même la politique. Or si l’IA permet des avancées, elle soulève aussi une foule de questions redoutables et produit des enjeux neufs qui nous concernent toutes et tous, mais que la société et ses lois, forcément prises de vitesse, n’ont pas prévues. Poser dès maintenant et collectivement un regard bioéthique sur ces enjeux nous semble donc primordial.

Quelques exemples des sujets qui seront débattus lors du Forum ?

Il y aura une table ronde sur la vertigineuse question de la responsabilité en cas de défaillance de l’IA. Dans la médecine, la question va forcément se poser car c’est un fait, l’IA fait aussi des erreurs. Dès lors, si une opération assistée par l’IA se passe mal, qui devra être tenu responsable… le médecin ou l’algorithme ? Le programmeur de l’IA ou la start-up qui l’a commercialisée ?

Autre sujet dont nous débattrons : celui du coût écologique de l’IA. Au moment où l’humanité doit se mobiliser tout entière pour le climat, est-ce en effet bien raisonnable d’investir tant de ressources dans cette course technologique, dont on sait qu’elle est grande consommatrice d’eau et d’électricité ? Le futur de l’IA ne pourra pas faire l’économie de cette question. Il y aura aussi des sujets plus légers, comme la façon dont la science-fiction façonne l’image de l’IA, ou comment définir, grâce à la philosophie, l’idée même d’intelligence.

Comment se déroulera concrètement l’événement ?

Le Forum se tient du mercredi 7 au samedi 10 février, soit quatre jours de débats et de tables rondes autour d’une quarantaine d’intervenants. Il débute par une conférence inaugurale animée par les philosophes Jean-Gabriel Ganascia et Raphaël Enthoven.

(1) Entrée libre et gratuite. Les débats seront retransmis en direct sur le site du Forum, puis disponibles en rediffusion.