Lorsque la défiance vis-à-vis de la politique atteint 74 % dans les enquêtes d’opinion (Cevipof, 2025), il devient nécessaire de s’interroger sur le fonctionnement des institutions et sur les mesures qui permettent de restaurer la confiance. Il doit être acquis que le vote ne suffit pas à définir la vie démocratique et qu’une plus grande ouverture des processus de décisions aux citoyens fait partie de la solution.
On reproche toutefois à la démocratie participative de reproduire les mêmes biais que les élections. De fait, les dispositifs qui sont mis en place ne sont pas spontanément plus inclusifs. Trois lettres résument le phénomène, TLM, pour «toujours les mêmes». Les femmes, les jeunes, les actifs sont souvent minoritaires. L’autre reproche le plus fréquent est de ne pas aboutir à des décisions. L’avis des citoyens ne serait jamais contraignant. Or il existe des réponses à ces deux enjeux.
Un lien à la décision
La première tient à la mise en place du tirage au sort qui permet de corriger un certain nombre de biais. Une assemblée citoyenne tirée au sort, en suivant des quotas, est plus représentative de la population qu’une assemblée de représentants élus. C’est un facteur de confiance, un remède à la déconnexion. Cela permet de toucher toutes les catégories, y compris celles et ceux qui se sont détournés de la politique. Nombreux sont les témoignages de participants qui disent avoir renoué avec la politique et avec l’intelligence collective après avoir participé à une expérience de démocratie participative. En parallèle, beaucoup d’associations militent en faveur de la création d’un statut du citoyen participant, sur le modèle des jurys d’assises, pour faciliter l’accès à la participation. Indemniser, prendre en charge les frais de garde d’enfants, les frais de transport, etc. sont autant de façons très concrètes de lutter contre les inégalités.
Tribune
Le second enjeu est la garantie d’un lien à la décision. L’exemple de la Convention citoyenne sur le climat dont les conclusions devaient être reprises «sans filtre» montre que la garantie du résultat est fondamentale au risque sinon de décrédibiliser toute la démarche et de décourager les individus : à quoi bon se déplacer si cela ne sert à rien ? Ainsi entre mandat des élus et participation citoyenne, la délibération, une forme de démocratie hybride, sous-exploitée et probablement sous-estimée, consiste à faire travailler ensemble élus et citoyens sur un même thème. Cela se pratique en Belgique. Le Parlement francophone de Bruxelles a mis en place des commissions délibératives réunissant un quart d’élus et trois quarts de citoyens tirés au sort. Saisie sur une question, la commission rend un avis qui doit orienter les choix politiques et les élus ont un devoir de suite.
Equilibre des légitimités
Les questions environnementales sont un terrain de jeu privilégié de la démocratie participative. C’est le troisième sujet le plus traité des assemblées citoyennes (source : OCDE, cité dans une note de la fondation Jean-Jaurès). En France, nous restons marqués par l’organisation de la Convention citoyenne sur le climat en 2020. De nombreuses collectivités ont également mis en place des assemblées citoyennes sur des thèmes de la transition écologique (bifurcation écologique en Haute-Garonne, énergie en Ile-de-France à travers l’établissement public territorial, Plaine Commune, trajectoires de la transition écologique à Marseille, etc.)
On pourrait se demander s’il est bien utile de prendre ce temps démocratique, nécessairement plus lent et plus long que la décision d’un seul, face à l’urgence de la situation. L’expérience montre qu’il faut au contraire chercher à combiner les dispositifs afin de parvenir à la meilleure démocratie pour tous, c’est-à-dire en permettant au plus grand nombre de participer grâce au tirage au sort et en valorisant l’équilibre des légitimités entre les élus et les citoyens dans les décisions, lesquelles n’en sont que plus solides.