La démocratie se meurt du mensonge. Les réseaux sociaux sont sur le banc des accusés. Il est temps de leur administrer le sérum de vérité.
L’état de la démocratie dans le monde est pire que dans les années 1930, et nous ne voyons aucun signe d’amélioration, au contraire, nous alertait fin 2024 l’institut Varieties of Democracy.
Or, si nous perdons la démocratie, nous perdons le reste : notre capacité à faire émerger un monde respectueux du vivant et de la justice sociale, et nos libertés acquises – de nous exprimer ou d’agir, d’aimer qui l’on veut…
Aujourd’hui, l’Europe demeure l’un des derniers bastions de la démocratie. Si la France ou l’Allemagne tombe, c’est toute l’Europe qui tombe. La menace est grande, la résistance à mettre en place doit être encore plus puissante. Et oui, c’est encore possible, à la condition de comprendre leurs méthodes, et de nous organiser, quel que soit notre rôle dans la société !
Volet 1 : Comprenons pour ne pas être dupes
En France, les services secrets craignent que des ingérences étrangères ne faussent les prochaines élections, en manipulant l’information sur les réseaux sociaux. Et pour cause. Les cas d’école commencent à devenir légion.
Aux Etats Unis, le chercheur du CNRS David Chavalarias a démontré que X a très fortement contribué à faire élire Donald Trump. L’écart dans le vote populaire a été de 2,3 millions de voix. Pendant l’élection, Elon Musk a soumis les 100 millions d’utilisateurs américains de X à un deepfake de Kamala Harris, il a créé, boosté et alimenté en fake news un faux site internet la concernant, supprimé le compte d’une levée de fonds démocrate qui avait atteint 4 millions de dollars, ou il a boosté un compte parodique de la parlementaire démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, etc.
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Steve Bannon le rappelait en février dans une interview à la Republica, les conservateurs américains comptent «conquérir les Etats [européens] un par un». X sera leur cheval de Troie. Ce n’est pas anodin si J.D. Vance, aujourd’hui vice-président des Etats Unis, menaçait en septembre dernier de cesser le soutien à l’Otan si l’Europe tentait de réguler X.
En Roumanie, l’élection présidentielle a été annulée après les ingérences russes via TikTok. Selon Viginum, le service français de vigilance contre les ingérences numériques étrangères, il est «légitime» d’anticiper que la France sera confrontée à «un risque de manipulation similaire» au scénario roumain : mobilisation de 25 000 comptes coordonnés depuis Discord et Telegram, et embauche d’influenceurs pour propulser des mots-dièses (hashtags) en apparence anodins.
En Allemagne, Global Witness a analysé que lors des législatives de février, X et TikTok ont poussé artificiellement les contenus de l’AfD, le parti d’extrême droite, leur permettant un score inédit. En plus des soutiens publics d’Elon Musk via X à ses candidats.
En France enfin, sans surprise, le Kremlin soutient le parti compatible avec ses ambitions géopolitiques : le RN. David Chavalarias alertait en juillet : il est minuit moins dix sur l’horloge de Poutine. Cher à la tradition française, le front républicain est le rempart contre le passage du RN. Il leur faut donc le faire voler en éclats. Comment ? En amplifiant les divisions jusqu’à en éliminer les possibles voies de résolution. Ici, c’est le conflit au Proche-Orient qui est instrumentalisé, avec ses corollaires que sont la montée de l’antisémitisme et les attitudes hostiles envers l’islam. Les tactiques sont variées : des étoiles de David taguées, mains rouges sur le Mémorial de la Shoah ou incendies d’infrastructures, etc. Insérant ainsi des «virus médiatiques» dans la vie publique «capables de s’auto-entretenir et s’autoproduire».
Volet 2 : Que faire ?
Au niveau européen, continuons à interpeller le Parlement européen pour qu’il renforce et qu’il applique le Digital Services Act, qui veut mettre en pratique le principe selon lequel ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne : amendes pour les Gafam pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial, voire interdiction d’opérer en Europe. Et investissons, enfin, dans des big techs alternatifs européens !
En France, le mouvement «Hello Quitte X» que nous avions lancé en janvier afin de quitter X en masse a contribué à ce que 2,4 millions de personnes quittent X (soit 50 % d’utilisateurs en plus que les autres pays). Exigeons de l’Etat qu’il nous montre l’issue de secours en poussant des outils tels qu’openportability.org, qui permet de faire migrer sa communauté de X vers des plateformes éthiques comme Mastodon. David Chavalarias a autopsié les attaques à notre encontre, particulièrement agressives envers le CNRS : ce sont les mêmes tactiques manipulatoires qui ont réussi à faire fermer les centres de recherche à Stanford et Harvard en 2024. Ne soyons pas dupes.
Il nous reste quelques mois avant d’atteindre un point de non-retour démocratique. Alors soulevons-nous tant qu’il est temps. Interpellons les politiques, les acteurs de la tech. Mais ne les attendons pas pour agir. Continuons à nous organiser, reprenons notre pouvoir. Rejoignez-nous.