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Solutions solidaires: tribune

Pour l’économie sociale et solidaire, l’heure de vérité

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Pour Jérôme Saddier, l’économie sociale et solidaire est à la croisée des chemins, plus que jamais en mesure d’accompagner les transitions qui nous attendent.
Le 25 juin 2022 à Nantes dans les locaux de l'association Gueules de bois. (Jeremie Lusseau/Hans Lucas)
par Jérôme Saddier, président d’ESS France, président de Crédit coopératif.
publié le 25 octobre 2023 à 12h07

«Libération» organise une journée de débats et de rencontres pour parler décentralisation, expérimentations et innovations locales, le 26 octobre, au Conseil économique, social et environnemental à Paris.

Oui, l’action économique peut changer la société ! C’est d’ailleurs la raison d’être de l’ESS (économie sociale et solidaire), qui incarne depuis 150 ans les différentes formes d’engagement citoyen dans les transformations économiques et sociales. De la crise sanitaire à la crise écologique en passant par la crise énergétique, l’absurdité d’un modèle capitaliste sans limites saute aux yeux, et provoque des délocalisations industrielles comme des interrogations plus générales sur nos interdépendances. Pour l’ESS, dont les entreprises et organisations sont profondément ancrées dans les territoires, c’est le moment de vérité. Elle doit être un moteur de transformation économique, sociale et écologique, comme un instrument d’émancipation individuelle et collective.

Notre modèle social s’est largement nourri de l’ESS : les mutuelles santé pour lutter contre la misère et soustraire la santé et la protection sociale du paternalisme ; les banques coopératives pour permettre à chacun d’accéder au crédit ; les assurances mutualistes pour permettre à tous de se protéger contre les accidents de la vie ou l’incendie ; les coopératives agricoles pour garantir un débouché à la production des petits exploitants ; les entreprises d’insertion pour sortir les plus éloignés de l’emploi de l’économie informelle, du chômage et de la précarité ; la prise en charge du médicosocial par les associations, les mutuelles ou les fondations pour soulager les familles et se protéger des logiques lucratives dans un secteur ou la dignité de chacun est un enjeu central ; les Scop pour permettre à chaque salarié de participer à la décision dans l’entreprise ; l’éducation populaire pour diffuser la connaissance et favoriser l’émancipation au-delà de l’école…

Tout ceci semble aujourd’hui aller de soi, mais ce sont d’abord autant d’expérimentations, d’innovations, qui ont vu le jour sur des territoires identifiés. Ces expérimentations sont le fruit de l’engagement de femmes et d’hommes au service de causes qui n’ont pas disparu : solidarité, lutte contre la pauvreté, instruction, santé, alimentation, une production de richesses et leur redistribution plus équitable et évidemment depuis quelques années, un engagement pour le respect de l’environnement.

L’ESS en tant que mode d’entrepreneuriat et de développement est plus que jamais en mesure de répondre aux défis que nous devons relever dans le grand chantier des transitions. Parce qu’elle repose sur l’engagement durable des personnes et sur des problématiques de proximité. Parce que son modèle de performance est tout aussi durable, grâce à la limitation de sa lucrativité et à l’internalisation de la valeur qu’elle crée. Parce que les motivations de ses entreprises sont tout aussi durables, tournées vers le temps long et l’utilité sociale et environnementale.

Cette économie de l’intérêt général est en avance sur son temps. Elle peut montrer à l’échelle des territoires les ressources illimitées de l’innovation sociale au service de leur régénération.