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Climat Libé Tour Paris : tribune

Pour les océans, «un dernier appel avant l’effondrement»

Climat Libé Tourdossier
Deuxième puissance maritime mondiale, la France doit agir avec résolution pour protéger ces précieux puits de carbone aquatiques et leur biosphère grièvement menacés par le dérèglement climatique.
«Chaque refus de protéger l’océan, chaque action pour perpétuer sa destruction nous rapproche d’un point de non-retour», écrivent les signataires de la tribune. (Marguerite Bornhauser/Libération)
par Coalition Océan, collectif d'associations, d'ONG et de personnalités luttant pour la protection des océans
publié le 28 mars 2025 à 2h47

L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée, la première à dépasser le seuil de 1,5 °C de réchauffement. L’objectif établi dans l’accord de Paris est en train de nous échapper, mais nous poursuivons notre course vers l’abîme. Ceci constitue donc un dernier appel avant l’effondrement. Un ultimatum pour nous sauver toutes et tous, pour inverser cette mécanique inexorable qui détruit le climat, l’océan et le vivant, qui a été initiée par la démesure humaine, et qui ne pourra être altérée que par une réaction collective et politique d’ampleur.

Nous ne sommes pas fatalistes. Mais nous nous sommes trompés. Collectivement. Nous avons été trop patients, trop optimistes. Nous avons pensé que les alertes scientifiques et les mobilisations citoyennes d’ampleur seraient entendues. Nous n’avons pas été assez fermes, et la fenêtre se referme rapidement. L’océan, notre thermostat planétaire, est à un moment critique de bascule. Jusqu’ici, il a été notre meilleur allié face au dérèglement climatique, absorbant près de 30 % de nos émissions de CO2 et stabilisant le système Terre. Mais l’élévation inexorable des températures à la surface de l’océan engendre désormais des événements climatiques extrêmes, plus fréquents et plus intenses, aux conséquences humaines effroyables.

Une atteinte à la vie

Dans quelques jours, le président de la République accueillera un sommet international pour l’océan à Paris. En juin, la France sera l’hôte de la troisième conférence des Nations unies pour l’océan. Alors que la flotte française de chalutiers de fond pulvérise chaque année quelque 600 000 km² de plaines, forêts et monts sous-marins, nous, organisations et collectifs engagés pour la justice climatique et sociale, lançons cet ultimatum solennel à nos dirigeants et à l’ensemble de la société : nous devons protéger l’océan. Notre avenir en dépend. Chaque refus de protéger l’océan, chaque action délétère pour perpétuer sa destruction nous rapproche d’un point de non-retour. Le réchauffement climatique est déjà responsable du décès de quatre millions de vies humaines et, si nous poursuivons sur notre lancée, ce sont quatre milliards de vies humaines qui sont directement menacées. Ceci ne constitue pas une opinion. C’est un fait. La science est claire, le constat est irréfutable.

Chaque compromis avec les lobbys industriels de la pêche et des énergies fossiles s’apparente ainsi à une atteinte directe à la vie. Nous ne pouvons plus agir comme si nous ne connaissions pas les conséquences de nos actes et privilégier les profits à court terme des industriels au maintien de la biosphère. Ne pas transformer radicalement le secteur de la pêche et de l’aquaculture, organisé par et pour des industriels ayant recours à des techniques destructrices, constitue une violence délibérée envers le vivant. Ne pas interdire le développement de tout nouveau projet fossile, c’est se rendre complice de la catastrophe climatique qui menace de nous balayer.

Nous payons aujourd’hui le prix de l’irresponsabilité de nos décideurs politiques. Mais l’espoir demeure néanmoins dans l’action immédiate et radicale, dans notre capacité collective à répondre à l’urgence qui s’impose à nous. La France, en tant que deuxième puissance maritime mondiale, doit prendre ses responsabilités. Et cela commence maintenant. En instaurant de véritables aires marines protégées dans 30 % de nos eaux, où les infrastructures et les activités industrielles comme le chalutage sont interdites. En plaçant 10 % de nos eaux sous protection stricte, afin de permettre la restauration de la biodiversité et la protection du puits de carbone océanique. En désarmant la pêche industrielle, première cause de destruction de l’océan. En stoppant l’exploitation des espèces menacées d’extinctions. En décrétant la fin des énergies fossiles, en interdisant l’ouverture de nouveaux projets fossiles. A cette condition seulement nous pourrons regarder l’avenir avec espoir. Nous appelons les politiques à un sursaut. Un sursaut de conscience, de courage et d’action. Il n’est pas trop tard pour éviter le pire. Mais il est minuit moins une.

Premiers signataires : Claire Nouvian, de Bloom, François Sarano, de Longitude 181, Nathalie Ille, de Women for Sea, Lou Welgryn, de Data for Good, Hélène Binet, de MakeSense, Muriel Papin, de No Plastic in my Sea, Malaury Morin, de Blutopia, Patrice Bureau, de Ocean Academy, Hélène Granouillac, de Terre Bleue, Rodolphe Landemaine, de Domaine Sauvage le Costil, Philippe Garcia, de Défense des Milieux Aquatiques, Marie-Laure Retureau, de Terre Bleue, Eloire Damien, de NaturDrive, Bruno Dumontet, de Expedition Med, Philippe Boré, de Maiouri Nature Guyane, Curty Thierry, de Courant Constructif, Mathilde Brouet, de SAMY, Nicolle Reine-Tonbtix, de Extinction Rebellion, Armel Prieur, de Compte Carbone, Pierre Galloo-Beauvais, du Relais jeune, Lucile Cornet-Vernet, de Maison de l’Artemisia, Aymeric Bein, de Shark Citizen, Jeanson Barbara, de Ceta’Maore, Cécile Bernardon, de Planète Perles, Cathy Lamri, de Street Art Rebellion, Valérie Omnes-Collin, de Noé, Saloma Anjara, de Cétamada, Jérôme Liévois, de Adrastia, Antoine Mondou, de The Coral Planters, Fabienne Rossier, de Sharks Mission France, Sarah Chouraqui, de Wings of the Ocean, Camille Lecharpentier, des Jeunes Ambassadeurs pour le climats (JAC), Lila Costes, de RESAK, Matthieu Lapinski, de Ailerons, Marina Yakovlev, de EcoYako, Nicolas Imbert, de Green Cross France Territories, Jade Tellier, de The Coral Planters, Salomé Guilbert de Déclic Collectif. Voici le lien vers l’intégralité des signatures.