A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
Mettre les transitions à l’échelle, c’est agir sur des espaces à la bonne taille. Contrairement à l’absurde «Penser global, agir local», il convient de penser et d’agir en même temps et partout, mais pas toujours de la même façon.
Il faut d’abord, c’est vrai, éviter de faire du mot «transition» un mana au pouvoir magique. Si le terme s’est si facilement imposé, c’est peut-être parce que, faute de préciser vers quoi on transitionne, il ne veut pas dire grand-chose. Je propose pour ma part cette définition : il s’agit pour l’humanité de passer du Néolithique (un système qui ajoute une composante prédatrice à la production) à l’âge «post-lithique» (lorsque la charge prédatrice sur la nature aura été éliminée). Si c’est bien de cela que l’on parle, il devient clair que, entre climat, biodiversité et santé publique ; entre énergie, agriculture, industrie et mobilité, de nombreuses échelles se combinent.
Il faut d’abord se méfier des simplismes de la «proximité». Ainsi, la construction européenne et la mondialisation font naître de nouvelles proximités (le reste de l’Europe et le reste du monde sont plus proches de nous qu’ils ne l’étaient naguère) et il n’y a pas de bonne raison que les anciennes dépendances, microlocales ou nationales, aient le primat sur ces nouvelles interdépendances. Simultanément, même si les grandes échelles n’ont jamais été aussi décisives, le local lui aussi joue un rôle accru tout simplement parce que beaucoup de choses s’y jouent. Une société locale, c’est le plus petit espace où logement, emploi, éducation, culture, mobilité, environnements naturels font système et font territoire.
Toutefois, qui veut penser le local aujourd’hui constate que la France n’est pas un bon élève en matière de citoyenneté à cet échelon. La France locale se distingue par une gouvernance opaque et baroque, par beaucoup de corporatisme géographique, et, justement, par un décalage entre l’échelle des problèmes et celle de l’action. Depuis 150 ans, des processus très puissants ont empêché les espaces réellement vécus de se doter de gouvernements dignes de ce nom. Comment alors construire un nouvel esprit des lieux dans le millier de sociétés locales (qu’on les appelle «aires urbaines», «pays» ou «bassins de vie») que compte la France ? Créer un espace de décision commun où résidents du périurbain, des banlieues et des centres puissent discuter ensemble, y compris sur les sujets qui fâchent, ce n’est pourtant pas une utopie technique ou une fantaisie esthétique : c’est un impératif. Ce que nous avons vécu ces derniers temps, ce sont des sécessions agressives qui, entre ghettos de banlieues et égoïsmes périurbains, mettent de côté les biens publics liés à l’habitat, alors même que ceux-ci ne peuvent se produire que localement. Indicateur de cet échec, les émissions de gaz à effet de serre produites par les mobilités du quotidien ne baissent pratiquement pas en France.
La première des solidarités géographiques qu’on peut viser, c’est de gouverner ensemble le vivre ensemble, avec les outils irremplaçables que sont une démocratie élective et une fiscalité responsable. L’enjeu est de travailler à une échelle où la défense identitaire d’un quartier ou d’un lotissement cède le pas au développement d’une société locale dont la diversité interne ne soit pas négociable. C’est ce qu’avait conclu le rapport «Vivre ensemble», publié en 1976. Près de cinquante ans plus tard, il est toujours d’actualité. La responsabilité globale des humains vis-à-vis de la nature pose des problèmes d’un genre nouveau et il faut prendre le temps d’aller vite. L’échelon local a tout autant besoin de politique que les autres, et maintenant plus que jamais.