A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.
A l’aube d’un soulèvement des terres et des hommes qu’incarnent aujourd’hui les luttes écologiques, comme celle contre l’A69, la précarité du «Droit vivant» n’a jamais été aussi forte. Dans son essai du Contrat Social, Rousseau nous renseignait sur la nécessité d’une association entre citoyens pour atteindre une société légitime et égalitaire œuvrant pour le bien commun. Avec le dérèglement climatique, les effondrements et les délitements socio-économiques provoqués par le capitalisme, il demeure essentiel de redéfinir les contours de ce bien commun et de l’intérêt général pour construire une société écologique et vivable.
Ce tumulte incessant de signaux d’alarme portés par les scientifiques depuis les années 1970 n’aura jusqu’ici qu’effleuré l’engagement de nos institutions sans jamais remettre véritablement en cause la trajectoire ; pire, nous verdissons des politiques dont nous savons qu’elles ne sont pas compatibles avec nos conditions d’habitabilité du monde. Ce scénario dystopique nourrit aujourd’hui inlassablement l’épaisseur brute de nos certitudes : développement durable, transition énergétique, ville intelligente… Face au mur climatique, la mutation des territoires français ne s’esquissera pas sans peine. Elle appelle à des changements culturels majeurs dans la manière d’appréhender notre rapport à l’aménagement des territoires, aux vivants qui les composent et aux énergies qui les mettent en mouvement.
Le système capitaliste nourrit une fiction commune à laquelle nous consentons. Un modèle sans limites des ressources, désaxé de la réalité sensible et matérielle qu’incarne l’écologie profonde. Sans déconstruction de la pensée unique occidentale fondée sur le progrès et la modernité, sans changement axiologique assumé, les métiers de l’urbanisme, de l’architecture et du paysage sont condamnés à rester en dissonance avec le réel et à n’alimenter qu’un progrès destructeur du vivant.
La science ne doit plus demeurer neutre et indulgente. Nous devons retrouver notre sensibilité et redonner un sens profond à nos actions : admettre qu’il n’y a pas un mais des mondes à explorer et à composer, des mondes où le savoir-faire laisserait place au «savoir laisser-faire», construire un engagement désanthropocentré en faveur de l’écriture d’un contrat naturel engagé, dialogue entre le corps social et le corps territorial au service du vivant dans sa plus grande définition et reconnecté aux réalités terrestres.
Nous ne serons cohérents que si notre action découle d’une synergie commune avec le monde et que nous redéfinissons ce que nous voulons vraiment : vivre libres, cohabiter, s’adapter à nos milieux, transmettre, prendre soin, déceler les brèches et s’y engouffrer. Nous sommes une espèce de l’adaptation entrée en dissonance avec le monde du vivant, mais nous sommes également une espèce de l’invention. Nous sommes les uniques responsables de ce que nous serons demain, et nos paysages ne seront la traduction que de notre courage ou de notre entêtement.
Pour notre bien commun, pensé par tous et pour tous.