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Pour un nouvel imaginaire, trouver les bons mots de la transition

Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier
Par Jean Debrie, enseignant à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR Géographie-cités.
(serazetdinov/Getty Images/iStockphoto)
par Jean Debrie, enseignant à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR Géographie-cités
publié le 27 septembre 2024 à 1h53

A l’heure de la transition écologique, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), plongée dans les projets et initiatives qui font bouger les politiques urbaines.

L’aménagement du territoire est en panne de récit. Aux différentes échelles de la planification (nationale, régionale, locale) les antiennes classiques de ce récit aménageur (équiper, développer, équilibrer) souffrent d’un épuisement. Le référentiel de développement durable, basé sur une articulation des objectifs de développement et de ceux sociaux et environnementaux, est aujourd’hui partiellement caduc. La lecture des actions publiques sur l’évolution de leurs politiques territoriales est elle-même marquée d’un doute entre la reconnaissance croissante de la nécessité de ménager et protéger le territoire ; et le maintien de politiques au service d’objectifs d’attractivité et de compétitivité. La résistance des grands projets d’infrastructures comme instrument principal de la planification est forte, mais celle-ci est mise en débat dans une scène territoriale de plus en plus conflictuelle.

Dans ce contexte de doute, le référentiel de la transition écologique a offert un cadre renouvelé aux politiques publiques à différentes échelles (du ministère de la transition écologique aux plans d’urbanisme locaux). Ce référentiel, débattu au sein de la plate-forme POPSU Transitions a un rôle ambigu. Dans sa face claire, il a permis une accélération de la mise à l’agenda des enjeux environnementaux et le développement de politiques écologiques plus transversales. Dans sa face sombre, il tend à euphémiser l’intensité des urgences écologiques, donnant à croire que la transition est engagée. Il participe alors d’un schisme de réalité largement discuté dans la littérature internationale. Il est aussi un référentiel technique qui peine à offrir une lecture porteuse d’un nouveau récit territorial.

La valse des mots utilisés pour tenter de désigner les changements nécessaires à venir (transition, bifurcation, redirection… écologiques, résilience, monde d’après…) dit bien cette difficulté à offrir un récit nouveau apte à engager toutes et tous sur la voie d’une transition véritable. Ce constat est d’autant plus vrai que les vocabulaires de la transition sont marqués par une «intellectualisation» et une «technicité des concepts» - pour reprendre les termes d’une étude récente sur les classes populaires et la transition écologique (Grec Francilien, Ville de Paris, 2 024)- alignées sur les représentations et les engagements écologiques des classes plus aisées. Les inégalités socioenvironnementales sont fortes et invisibilisées par le récit technique de la transition.

La nécessité d’un imaginaire moins technique, plus populaire et non dystopique pour penser le futur apparaît ici urgente dans un contexte politique récent marqué par un reflux de cette question écologique. La construction de cet imaginaire implique une réflexion partagée (citoyenne, technique, politique, scientifique) apte à penser collectivement les dimensions sociales et écologiques de la transition.