Comment réconcilier métropoles et campagnes, périphéries et centres-villes, écologie et habitat ? Plongée, en partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu) dans les initiatives qui améliorent les politiques urbaines.
La crise du logement frappe bruyamment les métropoles. Mais dans les campagnes, elle est silencieuse. Invisibilisée, et pourtant bien réelle. Nos territoires ruraux souffrent d’un déficit profond de logements accessibles, adaptés et pensés pour les modes de vie d’aujourd’hui. Cette fracture mérite une réponse nationale à la hauteur. Car, faut-il le rappeler, sans habitants, pas de commerces, pas de services publics, pas d’écoles. Et sans logements accessibles et adaptés, pas d’habitants.
Traditionnellement, habiter la campagne allait de soi. On y naissait, on y travaillait, on y transmettait. La maison n’était pas un bien comme un autre : elle était une unité de production, un lieu de solidarité, un espace intergénérationnel. L’habitat rural s’inscrivait dans le paysage, sobre, fonctionnel, adapté aux usages et aux saisons. On n’y habitait pas : on y vivait.
Déconnecté du mode de vivre
Ce lien organique au territoire s’est distendu. L’exode rural, la montée des métropoles et leurs périphéries, les politiques d’aménagement centrées sur l’urbain ont peu à peu vidé nos campagnes de ses habitants. Les logements anciens, progressivement dégradés, se sont figés. Et l’urbanisation diffuse des décennies 70 jusqu’au début du XXIᵉ siècle a importé dans les campagnes des modèles urbains : lotissements standardisés, dépendance à la voiture, habitat éloigné du travail comme des services.
Résultat : une ruralité fragmentée avec des maisons secondaires inoccupées, des logements inadaptés, et une vacance massive. Le mode d’habiter s’est progressivement déconnecté du mode de vivre. Or, ce décalage nourrit les fragilités sociales : personnes isolées, assignées à résidence faute de mobilité et des jeunes contraints de partir. Ce sont nos équilibres territoriaux qui vacillent.
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Mais aujourd’hui, à l’heure du dépassement des limites planétaires, un nouveau modèle se dessine. La recherche de sens, l’envie de nature, le travail à distance… remettent la ruralité au centre des désirs de vie. Nos campagnes peuvent redevenir des lieux d’ancrage et d’avenir, à condition de repenser l’habitat rural.
Partout, les territoires ruraux innovent déjà : coopératives d’habitants, habitats partagés, tiers-lieux, logements intergénérationnels, baux solidaires. Ces expérimentations existent et montrent la voie. A Laval et son agglomération, territoire mi-urbain mi-rural par excellence, nous pouvons témoigner de cette dynamique comme à Montflours (Mayenne) avec l’Archipel et les initiatives d’habitat innovant.
Pilier de l’aménagement du territoire
Des contre-modèles aux logements résidentiels ordinaires en milieu rural émergent sur l’ensemble du territoire. La démarche EcoQuartier en constitue l’un des outils privilégiés, à l’image de Volonne (Alpes-de-Haute-Provence) et des 128 autres communes rurales accompagnées.
Tribune
Pour que ces initiatives changent d’échelle, l’habitat rural doit être considéré comme un pilier de l’aménagement du territoire. Le programme Petites Villes de demain qui accompagne les centralités rurales comme la commune Port-Brillet (Mayenne), ou encore l’initiative 1 maire, 1 architecte, porté par l’Association des maires de France, constituent une première prise de conscience.
Habiter la ruralité, ce n’est pas revenir en arrière. C’est participer à la construction d’un futur plus sobre, plus solidaire, plus enraciné. C’est une chance pour le pays tout entier. Encore faut-il le reconnaître et que nous nous en donnions collectivement les moyens. La ruralité mérite, enfin, une politique du logement digne.