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Pour une transition juste, l’urgence d’agir contre la précarité énergétique

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Douze millions de Français déclarent souffrir du froid dans leur logement. Pour Pierre Pageot, directeur général en charge de la transition écologique du Groupe SOS, il est nécessaire d’accélérer la rénovation énergétique et de développer les dispositifs d’accompagnement pour les foyers les plus vulnérables.
Douze millions de Français seraient concernés par la précarité énergétique. (Magali Cohen/Hans Lucas. AFP)
par Pierre Pageot, Directeur général en charge de la transition écologique du Groupe SOS
publié le 16 décembre 2024 à 19h16

Aux prémices de l’hiver, dans un contexte marqué par la crise climatique et la volatilité des marchés, la question de l’énergie – autant sur la question des coûts que sur leur impact sur la vie quotidienne et l’efficacité du bouclier tarifaire déployé depuis 2022 – reste un enjeu de taille. En 2023, selon le médiateur national de l’énergie, douze millions de Français ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement. Parmi eux, plus de deux millions sont en situation d’ «exclusion énergétique», ne pouvant chauffer des habitats mal isolés, parfois de véritables passoires thermiques (correspondant aux étiquettes F et G du diagnostic de performance énergétique). Derrière ces chiffres, révélés par le collectif Stop à l’exclusion énergétique, une réalité que l’on ne peut accepter : 500 000 familles affrontent des hivers rigoureux dans des logements où chaque degré se paie au prix fort.

Un fléau social, économique et humain

Cette situation dépasse la simple question du logement pour deux raisons. Tout d’abord, parce que la précarité énergétique est un fléau social, économique et humain de première importance. Elle touche à la santé physique et mentale des personnes : le froid aggrave les maladies respiratoires et cardiovasculaires, les factures alourdissent le stress des ménages. Ensuite, parce que son impact environnemental est considérable : selon France Stratégie, le secteur tertiaire restait en 2022 responsable de 17 % des émissions de gaz à effet de serre en France, dont près des deux tiers dans le résidentiel.

Ce phénomène nous rappelle également que la transition écologique ne peut être mise en œuvre sans justice sociale. Les plus précaires, qui émettent peu de gaz à effet de serre et utilisent moins de ressources naturelles, sont les premières victimes de la crise climatique et environnementale. Ils subissent des logements mal isolés, des coûts de l’énergie disproportionnés, des impacts sanitaires accrus. Pour eux, la rénovation énergétique est une nécessité, mais elle demeure pourtant inaccessible sans accompagnement. A l’opposé, les ménages aisés, souvent les plus gros émetteurs de CO₂, disposent des moyens pour se chauffer à moindre coût, isoler leurs maisons, adopter des énergies renouvelables. Combler ce fossé grandissant est essentiel : sans cela, la crise climatique aggravera les inégalités, renforcera l’exclusion sociale et suscitera le rejet collectif d’une transition pourtant urgente.

Des initiatives concrètes montrent que ce combat peut être gagné s’il est accompagné d’une volonté politique forte pour le passer à l’échelle supérieure. Pour en faire la démonstration, le collectif Stop à l’exclusion énergétique (dont le Groupe SOS est membre) a lancé un programme de trois ans pour accompagner 3 000 ménages précaires propriétaires dans la rénovation énergétique performante de leur logement. Déployée dans quinze territoires, l’initiative combine justice sociale et action climatique, avec, en prévision, 108 600 tonnes de CO₂ évitées et 47 millions d’euros économisés sur les factures en trente ans.

Pour une mobilisation collective

Autres exemples : à Saint-Priest (Rhône) et en Seine-Saint-Denis, nous accompagnons des familles dans des démarches administratives parfois complexes, coordonnons le financement des travaux de rénovation et veillons à leur bonne réalisation. Nous sensibilisons aussi les ménages aux gestes quotidiens permettant de maîtriser leur consommation énergétique, garantissant ainsi des économies durables et un impact environnemental positif. Cette expérimentation appelée à grandir est une opportunité unique pour permettre aux collectivités de démontrer leur capacité à éradiquer la grande précarité énergétique dans un quartier de ville ou dans un espace rural. Ni la précarité énergétique ni la crise environnementale ne sont une fatalité, mais elles imposent une mobilisation collective. Dans le premier cas, les solutions sont nombreuses et déjà détaillées dans le scénario «Ensemble éradiquons l’exclusion énergétique en 2030» de Stop à l’exclusion énergétique : soutiens financiers pour diminuer le reste à charge des foyers en précarité et simplifier l’accès aux dispositifs d’aide pour les ménages modestes, développement d’une offre de rénovation accessible et durable, soutien de la société civile…

Pour limiter le second, nous publierons en 2025 un plaidoyer avec des propositions concrètes en faveur d’une transition conciliant justices sociale et environnementale, en mettant, notamment, la lutte contre la précarité énergétique au cœur des priorités. Face aux défis climatiques et sociaux, il est urgent de construire des solutions qui ne laissent personne de côté.