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Procès du siècle

Une troisième saison pour interroger les «luttes en partage»

Le procès du siècle, délibérations citoyennesdossier
A partir du 16 novembre et jusqu’en mars, le Mucem de Marseille organise en partenariat avec «Libé» la troisième édition du Procès du siècle, cycle de débats qui explorera cette année les violences policières, les écocides ou les crimes coloniaux.
(Frédéric Scheiber/Hans Lucas via AFP)
publié le 6 novembre 2023 à 0h49
Espace de débats pour interroger les changements du monde, le Procès du siècle se tient chaque lundi à l’auditorium du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille. Libération, partenaire de l’événement, proposera jusqu’en mars, articles, interviews et tribunes sur les thèmes abordés lors de cette troisième édition. A retrouver ici. Informations et réservations pour la conférence inaugurale du 16 novembre sur le site du Musée.

Etre rappelé à la barre pour un nouveau procès est en général mauvais signe. Mais quand ceux qui sont convoqués ne sont pas anciens présidents de la République, mais militants, artistes, philosophes ou chercheurs, et qu’ils sont invités par un musée, c’est une autre affaire : celle des Procès du siècle, organisé par le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) en partenariat avec Libé depuis deux ans. Voici donc la troisième saison de la série de conférences-spectacles marseillaises : après une première année consacrée à l’urgence environnementale et une deuxième aux féminismes, genres et minorités, cette troisième édition (qui débute le 16 novembre et s’achèvera en mars) va explorer les «Luttes en partage».

Sous la forme de procès fictifs, ces séances de «délibérations citoyennes» seront rythmées par les témoignages collectés par une «commission d’enquête» qui forme, tous les samedis, des volontaires à l’art oratoire, ainsi que la présentation de «pièces à conviction» issues de la collection du musée. Pour la clôture de la saison précédente, où la journaliste Rokhaya Diallo et l’ancien footballeur Lilian Thuram se demandaient «Sommes-nous de plus en plus ou de moins en moins racistes ?» c’est la guitare de l’artiste Gabi Jimenez qui avait été sortie des vitrines pour évoquer le racisme subi par les populations tsiganes. Le tout permettra d’explorer les luttes pour les droits humains et les droits de la Terre, les causes à défendre pour mieux vivre ensemble et la manière d’habiter notre planète : autant de façons de «mettre en lumière ces combats, dont certains ne peuvent se gagner par des réformes politiques ou économiques, mais grâce aux avancées du droit», souligne Clémence Levassor, en charge du projet au Mucem.

Mélanger les générations

Cette nouvelle série de conférences a donc été pensée «avec une volonté d’insister sur les outils juridiques, pour avoir une approche plus constructive», poursuit Clémence Levassor. Pour elle, le droit a des points communs avec la mission du Mucem : «Nous sommes un musée de société qui reflète ce qui fonctionne, ou non, dans la société ; le droit aussi évolue et accompagne la société. L’idée n’est pas tant d’inciter les invités à poser des recours, mais plutôt de faire prendre conscience que le droit est un moyen pour mener des luttes.»

On croisera donc l’avocat Slim Ben Achour, qui s’est saisi de la question des violences policières et des contrôles au faciès et discutera avec le journaliste et réalisateur David Dufresne (Un pays qui se tient sage, 2020), autour de la question : «Faut-il parler de violences policières ?» La journaliste et activiste Tran To Nga, qui a déposé plainte contre quatorze multinationales de l’industrie agrochimique pour avoir produit «l’agent orange», entrera quant à elle en discussion avec l’avocat international Philippe Sands, spécialisé sur les droits de l’homme et la défense de l’environnement, pour mettre en procès écocide et crimes coloniaux. L’activiste Camille Etienne (Pour un soulèvement écologique. Dépasser notre impuissance collective, 2023) et le délégué général de Notre affaire à tous, Jérémie Suissa, qui participe à un procès collectif contre l’Etat pour inaction climatique, mettront à profit leurs expériences pour se demander : «Des recours peuvent-ils vraiment changer la donne ?» Volonté de mélanger les générations : la jeune journaliste Salomé Saqué, qui interviendra aux côtés du sénateur David Assouline pour une conférence intitulée «T’es jeune et tu crises ?», entrera en écho avec l’historienne du féminisme Michelle Perrot qui, du haut de ses 95 ans, se demande si les luttes féministes sont «un éternel recommencement».

«Une vie de combat»

La troisième saison s’ouvre aussi sous le patronage de l’écoféministe indienne Vandana Shiva, qui reviendra sur «une vie de combats» pour la défense des femmes, des eaux et de la terre, objet de la première conférence (qui se tient exceptionnellement un jeudi, les autres rendez-vous étant le lundi). Dans ses Mémoires terrestres tout récemment publiées (chez Wildproject et Rue de l’échiquier), elle écrit : «Ces nouveaux mouvements pour la liberté [des semences, alimentaires, de l’eau, de la terre, de la forêt, ndlr] ont besoin de nouveaux apprentissages, d’un nouvel empuissantement, d’un nouvel espoir. De la graine, j’ai tiré les leçons de l’auto-organisation et du renouvellement, de la diversité et de la démocratie. De la théorie quantique, j’ai appris la non-séparabilité et la non-localité ; l’indéterminisme et l’incertitude ; la complémentarité et la non-exclusion ; le potentiel et la probabilité.» Sa performance à la barre, ainsi que toutes les autres qui suivront, seront captées pour réaliser une série de podcasts : ceux de l’année précédente sont d’ores et déjà visibles en ligne.