Protéger les rivières, nettoyer les plages, recréer des zones humides, surveiller les rives des cours d’eau, mais aussi sensibiliser les professionnels et les visiteurs… En Loire-Atlantique, portées par des centaines de bénévoles, les initiatives se multiplient à l’appel d’associations soucieuses d’écologie. Rencontres avec quelques passionnés.
«Nous préférons parler d’écolucidité»
Clémence Génin, responsable de la communication de Wings of the Ocean, association française de dépollution des littoraux fondée en 2018.
«Nous faisons appel à des bénévoles pour collecter des déchets. 95 % de ces détritus viennent de la terre. Notre credo : les collecter en amont, avant qu’ils ne rejoignent la mer. Seulement 1 % d’entre eux reste à la surface de l’eau, le reste est définitivement perdu dans l’océan. On fait des collectes dans des villes et sur les littoraux. On trie les déchets par catégorie, on les classe, on les pèse. En cinq ans, on en a collecté 135 tonnes.
La sensibilisation est au cœur du projet de notre association, qui se rend régulièrement dans les écoles et les festivals. Nos quelque 1000 bénévoles sont de bons porte-parole et deviennent ainsi des “ambassadeurs de la transition”. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais on veut y croire. On reste lucides, concentrés sur le fait qu’il faudra aussi changer nos habitudes. C’est stressant d’être uniquement confronté à l’écoanxiété, alors nous préférons parler d’écolucidité. L’objectif est bien d’être ensemble et de transformer nos actes collectifs en énergie positive et créatrice.»
«Notre équipe veut laisser faire la nature»
Jean-Marc Gillier, membre de la Société nationale de protection de la nature (SNPN) et directeur de la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu.
«A une trentaine de kilomètres au sud de Nantes, c’est un site avec beaucoup de zones marécageuses et une faune et une flore typiques des zones humides. On y trouve notamment la spatule blanche (le quart de l’effectif français de cet échassier y niche), mais aussi des oiseaux hivernants, comme les canards, les mouettes ou les goélands. C’est un haut lieu de la biodiversité, où la loutre est également présente. Un castor est même réapparu il y a quelques jours ! Le changement climatique a un impact sur les oiseaux, qui descendent de moins en moins vers le sud. Les mesures de protection de la réserve sont vraiment efficaces : si on a une telle richesse, c’est que le site reste très peu fréquenté. Le lac est difficile d’accès. On autorise seulement sept pêcheurs professionnels, et il faut être vigilant.
Notre rôle est de faire respecter les décrets ministériels régissant la réserve, du recensement des oiseaux au suivi de la qualité de l’eau. On essaie d’être peu interventionniste. Notre petite équipe veut laisser faire la nature. Nous organisons aussi des animations, des conférences. On n’a jamais de mal à remplir nos salles, mais s’il existe un public passionné, toute une partie de la population reste malheureusement indifférente à ces questions.»
«Avoir accès aux espaces naturels est une envie légitime»
Gwendoline Monnier, chargée de mission «zones humides» à la Fédération des amis de l’Erdre, association créée en 1991.
«Notre objectif a toujours été d’agir pour la préservation de la ressource en eau et la défense de la biodiversité autour de l’Erdre, un affluent de la Loire. Si on regarde aujourd’hui la qualité de l’eau, trente ans après, ce n’est pas très positif… Il n’y a pas eu beaucoup d’améliorations.
En fait, tout dépend de la politique globale du bassin-versant. Pour préserver les lieux, on a interdit le ski nautique et réglementé l’accès aux rives. Ce qui nous a permis d’enregistrer, quand même, de petites victoires. En restaurant les frayères à brochet (ce poisson effectue sa ponte sur des prairies inondées en février et mars pendant les périodes de crue et ces zones doivent être maintenues suffisamment longtemps en eau afin que l’éclosion des œufs et le grossissement des brochetons puissent avoir lieu), on a également permis le retour du campagnol amphibie.
La fréquentation des humains est souvent néfaste, mais avoir accès aux espaces naturels est une envie légitime. On apprend donc au public à connaître et à préserver ces endroits sensibles. On discute aussi avec les propriétaires privés pour que les droits de passage soient respectés et que les chemins restent les plus naturels possible, sans grillages ni murs. Un gros projet pour les années à venir sera de travailler avec le monde agricole afin de restaurer les zones humides. L’agriculture et l’élevage, quand ils sont pratiqués de manières raisonnées, peuvent être de réels atouts pour la biodiversité. Mais il faut revenir aux pratiques anciennes.
Enfin, l’association effectue un lien entre le social et l’environnement. Nous travaillons beaucoup avec les quartiers prioritaires de la ville de Nantes, avec des jeunes en décrochage ou en insertion. Notre idée est d’être dans le “faire” : faire du lien, redonner confiance, être dehors et en contact avec le monde agricole. On ne fera pas d’écologie sans social.»
«Une juste rémunération pour les producteurs et de l’eau protégée»
Laurent Génaud, directeur général de la collectivité Eau du bassin rennais.
«Le label Terres de sources (lauréat, en 2019, de l’appel à projet intitulé Territoires d’innovation de grande ambition) est une initiative porté par la collectivité Eau du bassin rennais, qui est un regroupement de 75 communes qui produisent et distribuent de l’eau potable pour plus de 500000 habitants. ici, nous n’avons pas de grandes nappes souterraines, on prélève dans les rivières et les barrages, l’eau est donc rapidement impactée par les activités agricoles polluantes.
Cette démarche Terres de sources s’adresse aux agriculteurs en leur donnant des conseils techniques. La question est : comment leur offrir la perspective d’une juste rémunération de leur travail ? Les agriculteurs suivent un cahier des charges, et nous, on les accompagne avec un objectif d’amélioration de leurs pratiques (comme l’arrêt des antibiotiques donnés aux animaux, la fin des pesticides et des nitrates…). Terres de sources achète ensuite les produits et les revend à des magasins ou des cantines. On travaille sur toute la transition de l’agriculture bretonne, en privilégiant la diversification. Il faut, par exemple, remettre à l’honneur le sarrasin ou le chanvre. Au final, les produits locaux bénéficient d’une juste rémunération et l’eau est protégée. On se doit, enfin, de porter ce concept auprès des consommateurs : pour mieux manger, il faut manger local, mais également mettre moins de viande dans les assiettes !»