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Libération
Climat Libé Tour Lyon: reportage

Quand les jeunes prennent l’écologie à bras le corps

Samedi 13 mai, des jeunes âgés de 15 à 25 ans ont siégé dans une assemblée d’un nouveau genre : le Parlement génération transition. A la fin de la journée, ils ont présenté six propositions écologiques au maire EE-LV de Lyon, Grégory Doucet.

A Lyon, samedi 13 mai, une quinzaine de jeunes ont planché sur les défis climatiques qui attendent leur génération. (CFJ)
Par
Estelle Nilsson-Julien
étudiante au Centre de formation des journalistes (CFJ)
Publié le 17/05/2023 à 18h21
Face au changement climatique, tous les aspects de la ville et de la vie de ses habitants sont à réinventer. Le temps d’un week-end, le Climat Libé Tour a exploré les pistes de réflexion. Un événement auquel se sont associés des élèves de la promotion lyonnaise du Centre de formation des journalistes.

Il est 11 heures, samedi 13 mai, lorsqu’une quinzaine de jeunes traversent la cour de l’Hôtel de ville de Lyon. Blazer rose et sourire aux lèvres, Charlotte est parmi les premiers arrivés. Cette étudiante en première année de master à l’EM Lyon partage son enthousiasme : «Je suis contente de pouvoir agir, plutôt que de simplement m’informer dans mon coin. J’ai envie de travailler en groupe pour trouver des solutions concrètes.»

Les jeunes s’installent parmi les rangées de chaises positionnées sous les lustres du hall de l’Hôtel de ville. Certains sont timides, d’autres engagent la conversation avec leurs voisins. «Toi, tu es venu pour quoi?», demande Nathan, étudiant en cybersécurité. «Pour m’informer et j’espère en tirer des idées pour mon asso écolo étudiante», lui répond Lorenzo, étudiant en psychologie. Les bavardages se dissipent lorsque Lucas Gervreau, 25 ans et militant du collectif Dernière rénovation Lyon, prend la parole. «Militer m’a permis de sortir du sentiment écrasant d’être seul. C’est possible de faire des choses à sa petite échelle», rassure-t-il.

Il est temps de lancer la première activité. Feuilles en main, Nicolas Quenard et Pauline Vallée animent un quiz spécial écologie. Ces deux journalistes connaissent bien leur sujet : ils travaillent chez Nowu, un média numérique d’écologie créé par France Télévisions en 2021. Les questions défilent : «Si tu as 20 ans aujourd’hui, avec quel taux de réchauffement climatique est-ce que tu vivras ?» Face aux trois options présentées, tous les jeunes lèvent la main. «Vous avez raison, c’est bien 2,7 °C !», approuve Pauline Vallée. Les sourires échangés donnent rapidement lieu à des regards inquiets quand l’animatrice explique les implications de ce réchauffement climatique. Parmi les scénarios envisagés : trois fois plus d’humains menacés par des canicules extrêmes et de plantes au bord de l’extinction.

Démarche constructive

«On imagine qu’on est en 2050 et que les objectifs de la transition écologique ont été atteints», poursuit Florent Glon, bénévole à Oxfam. C’est à partir de ce point de départ optimiste que les jeunes envisagent les mesures innovantes qui auraient été mises en place pour atteindre ce résultat, choisissant au passage un domaine d’action : les transports et la mobilité, le genre et l’écologie ou la précarité et le logement.

Une démarche constructive qui plaît à Ada, une collégienne de 14 ans, qui est la plus jeune parlementaire. «Je ne souffre pas d’éco-anxiété car j’essaye de rester optimiste. Je voulais venir pour participer au débat parce que je trouve que les éco-délégués de mon collège n’en font pas assez», affirme-t-elle. Ada a choisi de plancher sur l’élaboration de propositions liées au genre et à l’écologie. Le débat se lance : «Les femmes sont le plus en danger la nuit, peut-être qu’il faudrait plus illuminer les espaces publics ?», lance Charlotte, étudiante à l’EM Lyon. «Oui mais pour la faune, tout illuminer n’est pas la meilleure solution», objecte Gabrielle, étudiante vétérinaire.

Les jeunes sont assistés par Sophia Popoff, élue du Ve arrondissement de Lyon entre autres chargée des politiques de genre. Elle souligne : «Les études montrent qu’en réalité l’insécurité des femmes la nuit est un sentiment plutôt qu’une réalité. Les hommes sont plus souvent agressés la nuit. Donc il faut régler le sentiment d’insécurité plutôt que l’insécurité tout court.»

A la table d’à côté, les participants se concentrent sur les transports et la mobilité. Vincent Monot, vice-président du réseau Sytral (l’autorité organisatrice de transports de la métropole de Lyon et du département du Rhône), accompagne le groupe. Pour Stanislas, en service civique à Lyon, il n’était pas question de rater cet échange. «A force de côtoyer les transports en commun j’ai beaucoup d’idées, je suis venu pour pouvoir dialoguer avec d’autres intéressés et des élus.» Parmi les mesures proposées par ce groupe : des vélos fabriqués localement à des prix abordables. «On était pas tous d’accord sur le long terme, donc on a décidé de se concentrer sur ce qui est faisable dès maintenant», explique Stanislas.

«Intégrer la jeunesse »

Après quelques heures de débat animé, mission accomplie : tous les groupes ont des propositions à présenter. A tour de rôle, les jeunes déposent des autocollants colorés à côté des lois qu’ils souhaitent retenir. Carnet et stylo à la main, Grégory Doucet arrive juste à temps, alors que le vote se termine. Les porte-paroles présentent leurs mesures et le maire hoche la tête. Parmi les propositions retenues : des jardins partagés dans les quartiers les plus précaires, des fermes éducatives en ville, des fonds de rénovations pour les personnes dans des logements usagés et des incitations financières pour acheter des produits locaux. «Donc monsieur le maire, quelle proposition choisissez-vous? », demande une bénévole.

Après un moment d’hésitation – et de gêne légère –, l’édile écologiste se lève pour s’adresser à la salle. «Il ne faut pas choisir : il faut penser à comment tout intégrer. Si on veut de l’action, il faut de la cohérence, explique-t-il. En analysant la politique gouvernementale, mon premier constat, au-delà de l’inaction environnementale, est que cette cohérence manque.» «On fait déjà beaucoup de ce que vous proposez mais il faut intégrer la jeunesse dans l’élaboration des politiques pour continuer», enchaîne l’élu lyonnais.

Après un temps de délibération et d’échanges avec le maire sur les politiques écologiques de la ville, la session se clôture. Etre jeune, engagé, lucide face aux crises qui menacent, cela n’empêche pas de profiter du temps présent. «Et si on oubliait tout ça et qu’on allait boire un coup ? C’est samedi !», lance une étudiante à un autre, rencontré lors de la journée.