Rénovation, économie d’énergie, écologie… A l’occasion de la consultation internationale «Quartiers de demain» visant à améliorer le cadre de vie des habitants de dix territoires pilotes, retour sur ces projets pensés comme des laboratoires d’expérimentation.
Les politiques de la ville, qui, depuis quatre décennies cherchent à résoudre le «problème des banlieues», reposent sur un diagnostic réunissant un large consensus à la fois politique, administratif et médiatique : ces quartiers seraient devenus des «ghettos», et c’est dans la ségrégation, dans la concentration spatiale de pauvres et de minorités racisées, que se trouve l’origine des difficultés de la population. Cette grille de lecture a conduit à privilégier une politique de peuplement, avec un vaste programme de rénovation urbaine qui, depuis le début du siècle, engloutit l’essentiel de l’effort public dans des opérations de démolition-reconstruction diminuant la part des HLM afin d’attirer sur place (sans grand succès) des classes moyennes blanches.
Un diagnostic erroné
Le diagnostic qui fonde ces politiques, comme de nombreuses recherches en sciences sociales en attestent, est pourtant erroné. D’une part, si l’ampleur de la ségrégation socio-économique et raciale ne doit pas être minimisée, l’image de la relégation, d’un enfermement résidentiel radical est fausse : malgré les discriminations dans l’accès au logement, les mobilités résidentielles demeurent très fréquentes et les cités continuent de jouer en partie le rôle de quartiers de passage et de stabilisation pour de nombreux ménages précaires et racisés. Le ghetto, d’autre part, renvoie à l’idée selon laquelle la ségrégation favoriserait le développement de modes de vie et de normes sociales radicalement différentes du reste de la société et représentant une menace pour l’ordre social («zones de non-droit», «séparatisme», etc.). Cet imaginaire, dans ses multiples dimensions, est démenti par les enquêtes de terrain : bien loin de «l’assistanat» dont on les accuse, les habitants des cités travaillent et valorisent fortement le travail ; le sexisme dans ces territoires n’est pas radicalement différent de celui qu’on observe partout dans la société ; la violence n’y régit pas davantage la vie sociale qu’ailleurs ; etc.
Or, ce faux diagnostic nous a engagés dans une mauvaise voie. En deux décennies de rénovation urbaine, 175 000 logements ont été détruits : essentiellement des HLM, avec des loyers très bas, qui, avec l’explosion de la crise du logement, font aujourd’hui cruellement défaut. Il apparaît donc urgent d’arrêter de «casser des ghettos» qui n’existent pas et d’imaginer d’autres politiques.
Réhabilitations et services publics
D’abord, en stoppant les démolitions et en poursuivant les investissements pour construire et réhabiliter l’habitat afin de garantir le droit au logement, mais aussi par une politique globale de régulation des marchés du logement et d’investissement dans le logement social. Ensuite, par des investissements massifs pour résorber le déficit structurel de services publics dans ces territoires, afin de rétablir le droit commun dans l’accès à la justice, aux transports, à l’école, etc., tout en réorientant la politique des drogues, dont la logique ultra-répressive a montré son inefficacité.
Les difficultés de la population résultent en réalité avant tout des inégalités dans la sphère productive et de la fragilisation des droits sociaux et de l’Etat social, particulièrement mis à mal ces dernières années (chômage, santé, retraite, etc.). Difficultés que les solidarités locales, notamment associatives, tâchent tant bien que mal de combler. La défense des protections sociales et le soutien à la vie associative locale apparaissent donc plus que jamais nécessaires pour l’avenir des quartiers populaires.