Face à la défiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat, des institutions ou de la politique, quel rôle les collectivités peuvent-elles jouer ? Tel était l’objet d’un colloque organisé à Rouen par le Centre national de la fonction publique territoriale. Un événement dont Libération est partenaire.
Comment les collectivités territoriales, mais plus encore les agents de celles-ci, peuvent-ils constituer un véritable catalyseur de lien social au cœur de la cité ? L’objectif est de produire le service public autrement, connecté aux usagers, et de rétablir une confiance teintée de respect mutuel.
En Isère, nous avons lancé une démarche nommée «culture usagers : du sens à l’action». Il s’agit de pouvoir développer pour chaque agent la conscience usager en se posant une série de questions : quel est mon rôle dans l’organisation ? En quoi ma mission, quel que soit mon poste, contribue au service final rendu à l’usager ? Comment faire avec eux un pas de côté pour s’adapter à leurs besoins ? Comment redonner tous ensemble des couleurs aux valeurs du service public et contrer «le fonctionnaire bashing» ?
Pour ce faire, une démarche globale me paraît nécessaire : en interne, au-delà de la volonté d’associer les citoyens et de se doter d’outils, il s’agit de favoriser un état d’esprit sur la nécessité impérative de se transformer de l’intérieur pour ne pas être percuté par les grandes évolutions sociétales, dont les nouveaux modes de saisine du service public. Pour cela, il est indispensable, en réciprocité des attentions, de créer les conditions favorables de participation et de proposition des agents à la construction des politiques publiques. Comment demander à des agents de faire avec les usagers, sans qu’eux-mêmes ne se sentent acteurs et initiateurs de propositions ?
Rapport
Egalement, plutôt que de solliciter les usagers sur des participations autocentrées sur nos propres projets, ne devons-nous pas redonner ensemble ses lettres de noblesse aux valeurs du service public, patrimoine de chacun d’entre nous, qui n’a rien en commun avec un service client. Toutes les questions doivent se poser, y compris sur la valeur et la considération d’un service lorsqu’il est gratuit pour l’usager. En effet, écoute et service public ne valent pas servilité car nous devons travailler en parallèle sur la gestion des interactions conflictuelles et la prévention des agressions, afin d’endiguer ce cercle vicieux de la perte d’attractivité de ces métiers de service et donc d’un affaiblissement du service lui-même.
Langage commun
En externe, partager avec les usagers la prospective jusque-là réservée aux experts, en comptant sur leur maîtrise d’usage est possible. Par exemple, dans le domaine des risques naturels liés au réchauffement climatique, deux études sur l’usage de l’eau et sur la vulnérabilité des territoires sont conduites en Isère au plus proche des réalités à une échelle infraterritoriale (montagne, plaine, ville). Elles sont menées avec l’ensemble des acteurs, afin de partager ensemble, les constats, de s’acculturer aux risques, de se préparer à la gestion et à la prévention des crises à venir. Le pouvoir d’agir de chacun s’en trouve renforcé et le degré d’acceptabilité des décisions est plus important.
Dans le domaine social, sont expérimentées les conférences familiales au sein desquelles le jeune, ou la mère en situation de monoparentalité, désignent eux-mêmes qui, dans leur entourage, peut constituer une ressource. Ces personnes sont invitées dans un lieu extérieur à l’institution départementale pour élaborer un plan d’aide personnalisé. La personne accompagnée garde alors la maîtrise de sa propre vie, et donc toute sa dignité.
Qui dit «faire avec», dit culture et même, langage commun au plus près des préoccupations. Une refonte avec les usagers de l’ensemble des courriers adressés aux allocataires du RSA nous a permis de parler le même langage. Les collectivités territoriales, fruit de la décentralisation, peuvent au plus près des citoyens redonner du pouvoir aux projets émancipateurs.