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Immobilier: analyse

Rénovation écolo : comment avoir la fibre

Fibres végétales, autorénovation, saisonnalité… Pour rénover efficacement son logement, de nombreuses solutions existent. A condition surtout de bien choisir ses matériaux.
Supplement Immobilier. "Rénover, c’est bien, mais rénover «vert», c’est encore mieux – même si cela requiert un peu plus de matière grise. Low-tech, frugal, durable, sobre, écologique, bas-carbone…" (Henrike Stahl/Libération)
publié le 14 septembre 2024 à 4h13

L’an dernier, 26 % des Français ont déclaré avoir eu froid chez eux. La faute, en partie, aux millions de passoires énergétiques, qui manquent rarement de devenir des «logements bouilloires» l’été : trop chauds, trop humides. Mais avec moins de 1 % du parc immobilier renouvelé chaque année, le salut ne viendra pas de la construction neuve. «Aujourd’hui, le vrai défi est donc de rénover lourdement», juge Laurent Arnaud, spécialiste des bâtiments durables au Cerema. «Rénover, plutôt que de faire table rase de l’existant pour tout reconstruire, c’est déjà un grand pas», abonde l’ingénieure thermicienne Héloïse Pelen, à la tête de l’agence P-tréma. Le constat ne vaut pas blanc-seing : à défaut de prendre en compte l’impact environnemental (et notamment carbone) de ces travaux, «on va dans le mur, le pied sur l’accélérateur», alerte Laurent Arnaud.

Rénover, c’est bien, mais rénover «vert», c’est encore mieux – même si cela requiert un peu plus de matière grise. Low-tech, frugal, durable, sobre, écologique, bas-carbone… Les vocables varient presque autant que les solutions, mais l’ambition reste la même : répondre aux besoins des habitants tout en préservant au mieux la planète. Bien souvent, cela passe d’abord par l’amélioration de la performance de «l’enveloppe» du bâtiment. «Plus le manteau est épais, moins on a froid. En isolation, la première économie est l’énergie qui n’est pas consommée», résume Cécile Belard du Plantys, directrice de Paris Habitat. Rue de Croulebarbe (XIIIe arrondissement de la capitale), une résidence de 156 logements sociaux est en cours d’isolation grâce à des panneaux en fibres végétales composées de coton, lin et jute. Un choix engagé, défend Cécile Belard du Plantys : «L’Etat donne des aides à la rénovation, mais au niveau du règlement, rien n’impose d’être vertueux en termes de matériaux.»

«L’autorénovation est accessible»

N’en déplaise à la morale des trois petits cochons, la paille pourrait bien prendre sa revanche, emportant avec elle le liège, le chanvre, la ouate de cellulose, et autres fibres naturelles. Malgré leur léger surcoût (entre 0,5 % et 2 % de plus sur le budget d’une réalisation, estime Laurent Arnaud), les matériaux biosourcés atteignaient déjà 11 % du marché de l’isolation en 2021. Il faut dire qu’ils cumulent les bons points : disponibles localement, en abondance, peu carbonés, ils sont dotés de bonnes capacités d’inertie et de déphasage thermique (lors d’une canicule, l’onde de chaleur sera ressentie à l’intérieur du bâtiment plusieurs heures après avoir été observée à l’extérieur). Sans compter qu’ils assurent aussi une régulation hygrométrique : le bâtiment est respirant, l’humidité est évacuée vers l’extérieur. «On évite l’effet boîte étanche», explique Hélène Schwoerer de Paris Habitat. Essentiel, quand l’humidité est la principale source de dégradation du bâti, et qu’elle représente aussi une réelle menace sanitaire. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’un nombre croissant de particuliers y aient recours, parfois épaulés d’associations et collectifs telles que le réseau normand Reno’Acc, Ecorce, en Ariège, ou encore Maisons paysannes de France. «On isole souvent des habitats individuels anciens avec de la terre locale. L’autorénovation est tout à fait accessible. Si on a du temps et des compétences, c’est quasiment gratuit», juge Héloïse Pelen.

Déjouant les clichés, tous les matériaux biosourcés ne sont pas nécessairement artisanaux. Et bien souvent, ils sont assez récents, même s’ils évoquent des procédés ancestraux. Ainsi du béton de chanvre (obtenu en mélangeant de la chènevotte, c’est-à-dire de la paille du chanvre défibrée, et un liant minéral), et de la gamme d’isolants Métisse, fabriquée avec du coton recyclé par l’association Le Relais ; ou encore de panneaux industriels en fibre de bois, une option que met en œuvre actuellement la thermicienne Héloïse Pelen, implantée en Corrèze, dans un immeuble de logements collectifs.

Choisir le bon matériau

Mais pour une rénovation efficace, encore faut-il savoir choisir le bon matériau au bon endroit, au bon moment. Ainsi, si le chanvre est un isolant performant, il peut moisir : il faut éviter de l’installer l’hiver ou prévoir une ventilation conséquente, sous peine de transformer votre maison en champignonnière non comestible… Autre exemple : l’isolation en ballots de paille sera écartée pour des immeubles de grande hauteur, du fait des normes de sécurité incendie en vigueur, précise Hélène Schwoerer, de Paris Habitat.

Par ailleurs, et quoi qu’en dise le ministre de la Transition écologique démissionnaire Christophe Béchu («Mieux vaut un monogeste plutôt que pas de rénovation du tout»), c’est bien souvent la combinaison d’un ensemble de solutions qui permet une rénovation efficace. Certaines idées vertueuses sur le papier s’avèrent néfastes si elles sont mises en œuvre de manière isolée. Comme les fameuses pompes à chaleur. «Dans tous les DPE [diagnostic de performance énergétique, ndlr] et les audits énergétiques, la solution magique qui sort du logiciel, c’est d’installer une pompe à chaleur», observe Héloïse Pelen. Problème : si le logement n’a pas été bien isolé auparavant, la dépense électrique va exploser, et la température intérieure peut se dégrader fortement. Par ailleurs, les pompes à chaleur air-air offrent la possibilité d’être utilisées l’été pour climatiser le logement, créant ainsi de nouvelles dépenses énergétiques et financières, et éloignant l’habitant de protections à l’efficacité éprouvée : volets, stores vénitiens ou autres casquettes solaires…

«La ventilation naturelle reste importante»

Quant au cool roofing, qui consiste à repeindre les toits en blanc, cette bonne idée sur le papier (simple, pas chère et écolo) relève surtout d’un effet de mode, qui certes peut trouver une efficacité pour des coquilles commerciales mal isolées, beaucoup moins pour des logements dont il convient d’isoler les toits. «C’est complètement gadget pour un immeuble de plusieurs étages», confirme Laurent Arnaud, car si une très faible influence peut être observée sous les combles, un toit blanc n’aura aucun effet dans les étages inférieurs.

Une rénovation énergétique réussie s’inscrit aussi dans les usages, peut-être au moins autant que dans les choix techniques et les travaux. Ventiler, ouvrir et fermer les volets au bon moment sont des gestes qui relèvent de l’évidence mais qui ne sont pas encore généralisés. Notamment dans des bureaux où personne n’est présent la nuit pour ouvrir les fenêtres – dans ce cas, des VMC automatiques peuvent être mises en place –, mais aussi dans de nombreux immeubles tout simplement dépourvus de volets, pour raisons patrimoniales entre autres. «Quel que soit le système prévu, la ventilation naturelle reste hyperimportante», juge Héloïse Pelen. Il faut pouvoir garder la main sur la température intérieure de son foyer. C’est aussi ça, une rénovation écologique : permettre à chacun de compter sur des systèmes simples, accessibles, réparables, pour assurer le confort de son logement.